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et a fait acte de justice en donnant le nom de Chézy à l’une des voies traversant le boulevard Bineau ; celui-qui a inauguré en France l’étude du sanscrit méritait cet honneur et je regrette que, pour compléter l’hommage qui lui était dû, le nom de Sakountala n’ait pas été attribué à quelque place voisine.

Les terrains sont sans doute restés à bas prix pendant longtemps, car je vois, près les uns des autres, des établissemens qui ont l’habitude, sinon la nécessité, de chercher l’économie en toute chose : voilà le magasin général des décors de la Comédie Française ; puis une église anglicane, d’une architecture gothique moderne qui n’est point pour plaire ; à côté, une maison où les jeunes Anglaises peuvent séjourner en attendant qu’elles aient trouvé condition à Paris ; plus loin, un hôpital libre protestant et enfin la maison de retraite Galignani, dont nous avons à nous occuper, et qui est installée dans des conditions hygiéniques exceptionnellement favorables. Ni l’air ni le soleil ne lui sont ménagés ; elle brille en pleine lumière dans l’éclat de sa nouveauté ; les ombrages lui manquent encore, car les plantations sont récentes et les marronniers n’ont pas atteint l’âge des cimes épaisses ; mais elle participe aux arbres du boulevard dont elle n’est séparée que par une grille. Un jardin bien dessiné, qui a déjà ses fleurs, ses arbustes et son gazon, s’étend devant les bâtimens d’habitation d’où l’on peut suivre le mouvement peu animé de la voie publique.

Deux vastes ailes à trois étages, destinées aux pensionnaires, sont reliées par un corps de logis où l’on a réuni les différens services nécessaires à une grande administration ; en avant et assez proche de la grille d’entrée s’élèvent deux pavillons ; l’un contient un fumoir, l’autre est réservé au concierge ; un peu plus loin s’ouvre l’appartement de l’économe, qui relève hiérarchiquement du directeur de l’hôpital Beaujon.

La blancheur des bâtimens, la verdure encore un peu pâlotte de l’herbe qui pousse, les allées récemment sablées, la peinture toute fraîche des bancs et de la ferronnerie donnent à l’ensemble un air de bonne humeur qui disparaîtra peut-être lorsque le temps aura noirci les murs et terni le luisant des ardoises. La maison de retraite et ses dépendances sont séparées des propriétés voisines par un mur que tapissent des lierres et que longe un chemin qui, malgré de jeunes arbres, ressemble un peu trop au chemin de ronde d’une prison. Cette impression s’impose et n’est pas atténuée par la vue d’une basse construction en briques sombres ; et que l’on dirait en deuil. C’est la chambre des morts. Il est rare que les pensionnaires viennent se promener de ce côté ; ce memento