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notre pays de la peinture monumentale et ouvrir la voie que devaient à leur tour suivre si brillamment des académiciens appartenant à la génération suivante, MM. Lehmann, Lenepveu, Cabanel, Delaunay, et, avec un éclat particulier, Paul Baudry.

Déjà, il est vrai, sous le gouvernement de la restauration, la décoration sur place, et par les procédés de la peinture à fresque, de trois chapelles dans l’église de Saint-Sulpice avait été, sinon très heureuse, à n’en considérer que les résultats, au moins plus judicieuse en soi et plus logique que l’usage d’accrocher des tableaux aux murs, souvent même aux piliers d’une église. On s’en était tenu là toutefois. Il fallut que plus de dix années s’écoulassent avant que l’achèvement de la nouvelle église de Notre-Dame-de-Lorette permît d’appliquer, et cette fois à l’ensemble d’un monument, le principe qu’on n’avait fait à Saint-Sulpice que mettre partiellement en pratique. Puis, les peintures murales de l’église delà Madeleine, dont l’exécution avait été d’abord confiée à Paul Delaroche et que l’on avait ensuite réparties entre sept artistes différens, avaient été une épreuve assez peu concluante encore, mais néanmoins faite pour familiariser le public avec le système de décoration que l’on entendait dorénavant adopter. Nombre de travaux commencés ou menés à fin dans la seconde moitié du règne de Louis-Philippe, soit aux frais de l’état, soit pour le compte de la préfecture de la Seine, vinrent successivement convertir en usage ce qui n’avait été au début qu’une mesure d’occasion et un essai. Les murs des plus vieilles églises de Paris, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Germain-l’Auxerrois, Saint-Séverin, Saint-Merry, d’autres encore, se couvrirent de peintures dont plusieurs méritent d’être comptées parmi les œuvres qui honoreront le plus sûrement l’école française du XIXe siècle.

Ne suffit-il pas par exemple de prononcer ici le nom d’Hippolyte Flandrin pour rappeler les progrès accomplis de notre temps dans un ordre d’art qui participe à la fois des traditions consacrées par les anciens maîtres, au point de vue du style et de l’harmonie architectonique, des aspirations de l’esprit moderne, au point de vue de la poésie ou de l’invention ? Si les peintres chargés de décorer les églises ont en réalité mieux à faire que d’emprunter au paganisme des beautés tout extérieures et des formes muettes ; si, suivant le mot d’Orsel, « il faut baptiser l’art grec ; » si, d’un autre côté, il est tout aussi nécessaire pour eux de ne pas s’en tenir à la pure contre-façon des procédés pittoresques du moyen âge, — c’est là une tâche dont Flandrin s’est acquitté avec plus de succès que personne. À quoi bon insister d’ailleurs ? Les ouvrages de sa main qui ornent les murs de Saint-Germain-des-Prés