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de Debret, l’esprit étincelant d’Auber et le caractère des inspirations musicales d’Halévy, — rien ne paraissait plus de ces divergences entre les talens là où il s’agissait pour l’Académie de se prononcer sur des questions de principe ou sur des faits d’un intérêt général. En toute occasion, l’Académie se comportait avec la même indépendance ; elle se montrait animée du même esprit sagement libéral. Pour peu qu’on se rappelle aujourd’hui la part qu’elle a prise sous la monarchie de juillet au développement de l’enseignement des beaux-arts, à l’établissement des conseils ou des comités chargés de pourvoir à la conservation des anciens monumens de l’architecture française ou de réconcilier le goût public avec l’emploi, si longtemps abandonné, de la peinture et de la sculpture monumentales, on ne pourra que lui tenir grand compte des services qu’elle a rendus alors et des progrès de plus d’un genre qu’elle a provoqués ou confirmés.

D’où vient pourtant qu’à cette époque plus qu’à aucune autre peut-être, l’Académie ait été accusée de s’immobiliser dans la routine et de se refuser obstinément aux plus nécessaires concessions ? Suspecte pour le moins, malgré sa constitution même et ses origines, aux journaux d’opinion républicaine, systématiquement dénigrée dans d’autres journaux que le dévoûment désintéressé à la cause de l’art n’inspirait pas autant, à ce qu’il semble, que le désir de servir celle de certains artistes amis de la maison, l’Académie était représentée tantôt comme le séjour de la léthargie, tantôt comme le boulevard d’une résistance intraitable aux légitimes aspirations de l’esprit moderne. Avait-elle eu à remplacer un des siens ? le nouvel élu, quelque sérieux que fussent ses titres, devenait du jour au lendemain pour la presse un homme usé, et le plus justement évincé de ses compétiteurs une victime de l’aveuglement ou de l’envie. Apprenait-on que les premiers résultats de la découverte de Daguerre n’avaient été accueillis à l’Académie qu’avec une réserve prudente, avec le sentiment de la confusion qu’ils risqueraient d’introduire, entre l’éloquence des moyens propres à l’art et la véracité brute des appareils mécaniques ? on ne manquait pas de crier aussitôt à l’obscurantisme, peu s’en fallait qu’on ne vît dans la quatrième classe de l’Institut un tribunal renouvelé de ceux de l’inquisition au XVIe siècle et dans Daguerre un autre Galilée. Mais c’était surtout à l’occasion des jugemens rendus avant l’ouverture des salons annuels que l’indignation des opposans se donnait carrière et qu’elle incriminait avec violence les membres de l’Académie. On sait que ceux-ci composaient alors exclusivement le jury appelé à décider du sort des ouvrages présentés. Comment remplissaient-ils en réalité leur mandat, et