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libéralité sans réserve, des ressources matérielles que lui procurait l’extrême fécondité de son pinceau, Horace Vernet, avait donné aux fonctions qu’il remplissait un éclat extérieur qu’elles n’avaient jamais eu avant lui. Rien de mieux ; mais, dans ses rapports officiels avec l’Académie qui l’avait délégué, il n’arrivait pas toujours qu’il réussît à s’acquitter aussi heureusement de son rôle.

Sans rien abdiquer de sa juste autorité personnelle, le directeur précédent, Guérin, s’était toujours appliqué à se conformer ponctuellement aux avis de ses confrères, tant sur les questions générales de règlement ou de discipline que sur la valeur des envois soumis, à leur examen. Horace Vernet, au contraire, crut devoir, à la première occasion qui se présenta, non-seulement discuter, mais ouvertement réprouver un jugement que l’Académie venait de prononcer. Il s’agissait alors d’un travail sur les Temples de Pœtum, envoyé en 1829 par un pensionnaire architecte, M. Henri Labrouste, qui, soit dit en passant, devait trente-huit ans plus tard, siéger parmi les membres de l’Académie : travail important, dont l’Académie, avait dans son rapport constaté les mérites, mais en mêlant aux éloges des réserves sur ce qu’il contenait à ses yeux d’erroné ou de contestable. De là le très imprévu mécontentement de Vernet et, de sa part, des réclamations au moins insolites. Au lieu de se borner, comme il en avait simplement la mission, à donner à l’intéressé communication de ce rapport, il écrivit à l’Académie une lettre dans laquelle il prenait parti contre elle, la sommant en quelque sorte de reconnaître au pensionnaire auteur du travail « le droit de réfuter les accusations d’inexactitude qui avaient été portées, » et il ajoutait : « Je n’ai point hésité à m’assurer par mes propres yeux du degré de confiance qu’on pouvait accorder à l’envoi de M. Labrouste. Je me suis rendu exprès à Pestum, les monumens seuls pouvant servir de preuves. J’ai examiné, touché et même fouillé. Cet examen scrupuleux m’a démontré que les parties jugées douteuses du grand travail de M. Labrouste sont entièrement conformes à la vérité et que, dans l’ouvrage de Lagardette, » — cité par l’Académie à l’appui de son opinion, — « les incorrections sont sans nombre. »

L’Académie, naturellement, ne laissa pas de s’émouvoir de cette mise en demeure d’avoir à discuter après coup l’œuvre d’un pensionnaire avec ce pensionnaire lui-même. Dans une réponse en termes très courtois, mais très nets, adressée au directeur au nom de la compagnie, le secrétaire perpétuel faisait ressortir « le danger qu’il y aurait à autoriser des répliques aux jugemens que l’Académie consigne dans ses rapports annuels… Ces jugemens sur les travaux des pensionnaires n’étant d’ailleurs, ajoutait Quatremère de Quincy, que des avis transmis confidentiellement, des