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qui impose l’uniformité des études, et partant empêche de se créer ici ou là de ces spécialités qui seraient des attractions ; enfin, l’absence de rivalité entre les Facultés des département, et la marche convergente de leurs meilleurs maîtres sur Paris, et sur Paris seulement. Sans doute, on réagira ; on réagit déjà. Il ne sera pas impossible d’assouplir les études et de leur donner plus de jeu, de spontanéité et de variété. Rien n’empêchera non plus, une fois les Universités créées, qu’elles prennent chacune sa physionomie propre et qu’il y soit fait aux maîtres de tels avantages moraux et matériels, qu’ils aiment à y rester et à y faire école. Les associations d’étudians pourront aussi devenir quelque chose comme ce qu’étaient les mères pour les compagnons du tour de France et inviter les étudians à être à leur façon de ces compagnons-là. Mais tout cela, c’est l’espérance, c’est l’avenir, et un avenir que l’on compromettrait d’une façon irrémédiable en faisant trop d’Universités. Le fait d’hier, le fait d’aujourd’hui, c’est, sur ce point encore, une dissemblance marquée avec l’Allemagne.

Ce serait donc mal raisonner que de conclure, en cette matière, du même au même, entre les deux pays. Il a été légitime de s’inspirer de l’Allemagne d’une façon générale. Il serait faux et dangereux de transformer les analogies en identités. Il sera bon d’avoir des Universités comme l’Allemagne en a. Il serait détestable d’en vouloir en proportion de ce qu’elle en a. Il faut tenir compte des conditions de temps et de lieu, des mœurs et de l’expérience, et pas un de tous ces faits qui n’aboutisse droit à cette conclusion : pour être vivantes, pour être viables, les Universités françaises devront être en petit nombre.

Mais de cette conclusion sort aussitôt la plus grosse des difficultés. Nous avons quinze groupes de Facultés. S’il faut de quelques-uns seulement faire des Universités, que deviendront les autres ? La solution la plus logique, et, je n’hésite pas à le dire, la plus efficace, ce serait de les supprimer. Mais elle n’a qu’un défaut : c’est d’être impraticable. Je ne parle pas des résistances qu’y opposerait le régime parlementaire, de la coalition qui ne manquerait pas d’unir contre elle les représentans des centres menacés. Rien que pour transférer à Lille les Facultés de Douai, il a fallu tout le courage de M. Berthelot et de M. Spuller. Que ne faudrait-il pas le jour où il s’agirait de supprimer sur huit ou dix points à la fois ! Mais, encore un coup, je ne parle pas de cela. Je parle seulement de la probité de l’État. L’État doit être honnête homme. Le serait-il le jour où, au mépris des sacrifices faits par certaines villes pour leurs Facultés, il viendrait les leur enlever ? Cela était possible, cela eût été souhaitable, il y a quinze ou vingt ans, alors que