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et appliqués aux études de philologie. En regard, nous n’avons que la toute petite troupe des théologiens protestans de Paris et de Montauban, moins d’une centaine. Les autres, les gros bataillons, tous les catholiques, et ils sont des milliers, sont élevés en vase clos, dans des séminaires, loin du plein air de la vie scientifique, loin des Facultés, et c’est à peine si de loin en loin il en vient quelques-uns aux Facultés des lettres.

Et puis il y a Paris, Paris la ville unique, l’attrait et le gouffre. Nous avons environ seize mille étudians de tout ordre. Bien répartis, ce serait assez pour faire vivre utilement une douzaine de centres. Mais sur ce nombre, combien sont à Paris ? Près de dix mille. Allez donc persuader au trop-plein qu’il ferait bien, dans son propre intérêt, d’abandonner une ruche encombrée et d’essaimer vers Caen, Dijon, Besançon, Poitiers, Rennes ou Clermont ? On ne peut pourtant pas parquer de force les étudians dans telle ou telle académie, suivant leur lieu d’origine, et leur interdire Paris, ses ressources et ses plaisirs, parce qu’ils sont de Dunkerque ou de Bayonne. L’unique moyen d’opposer à cette force excessive d’attraction, une force centrifuge efficace, ce n’est pas d’affaiblir les contrepoids, en les subdivisant, en les éparpillant, mais d’en avoir seulement quelques-uns, placés aux bons endroits, coordonnés ensemble, et tous d’une masse assez puissante pour être, sur un rayon moins étendu que Paris, des centres d’attraction. C’est le bon sens et c’est aussi l’expérience. En dehors de Paris, où avons-nous le plus d’étudians ? A Lyon, à Bordeaux, à Montpellier, c’est-à-dire là où les locaux sont les plus vastes, l’outillage le plus complet, les ressources les plus abondantes, les maîtres les plus nombreux, l’enseignement le plus varié.

Rien en Allemagne, même après l’hégémonie de la Prusse et la colossale croissance de Berlin, rien d’égal à cette aspiration centrale de Paris. L’Université de Berlin s’est beaucoup accrue depuis vingt ans, mais pas au point de rompre tout équilibre avec les autres. Elle a 6,000 élèves et plus ; mais il en reste aux autres 23,000 ; plus de 3,000 à Leipzig ; autant à Munich et nulle part moins de 650. Et cette jeunesse circule d’une ville à l’autre, passant un semestre à Berlin, un autre à Leipzig, un troisième à Heidelberg, portant de l’une à l’autre sa curiosité et son mouvement. En France, rien de semblable. On choisit sa Faculté et l’on s’y fixe à demeure, ou, s’il se produit quelque mouvement, c’est un flux de la province sur Paris, jamais un reflux de Paris sur la province, jamais un échange des villes de province entre elles. Cette immobilité a bien des causes ; d’abord nos habitudes générales qui sont peu voyageuses, puis l’uniformité de nos programmes d’examen