Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XIXe siècle. Ce n’est pas de leur exemple que s’inspiraient Talleyrand et Condorcet. Ils construisaient a priori, comme les hommes de leur temps, et, il n’y a pas à dire, ce qu’ils ont construit, c’est la théorie des Universités modernes.

Ainsi la Révolution, sur ce terrain comme sur d’autres, nous a légué des faits et des idées en désaccord. Les faits ont duré ; les Écoles spéciales de la Convention sont devenues, en se multipliant, les Facultés de l’Empire. Mais en face des faits, les idées aussi ont duré ; et plus d’une fois, au cours du siècle, nous les voyons reparaître en ce qu’elles ont de général et d’essentiel, et bien qu’alors leurs origines historiques soient oubliées ou ignorées, même de ceux qui les remettent en avant, à n’en pas douter, c’est toujours la même filiation doctrinale.

La première fois qu’il en reparaît quelque chose, c’est en 1815, avec la première Restauration. Une ordonnance, préparée par Royer-Collard, supprimait l’Université impériale, cette corporation d’État, une et totale comme l’Empire, qui englobait tout l’enseignement de France, étoile mettait à la place dix-sept Universités régionales qui eussent porté le nom de leurs chefs-lieux et eussent eu chacune son chef et son conseil. Il y avait à cette mesure une fin plus politique que scientifique. On voulait avant tout réagir contre l’absolutisme impérial et contre une institution faite à son image et pour être son instrument. Mais à ce dessein hautement avoué, se mêlait aussi, c’est M. Guizot, un collaborateur de Royer-Collard, qui le dit, « le désir de créer hors de Paris, dans les départemens, de grands foyers d’étude et d’activité intellectuelle. »

Plus tard, sous le Gouvernement de juillet, l’idée reparaît avec deux ministres qui avaient été deux gloires de la Sorbonne, avec Guizot d’abord, puis avec Victor Cousin, et cette fois, c’est bien sans conteste, l’idée des Universités, claire, adulte et dépouillée de tout alliage de soucis politiques. Ni Guizot, ni Cousin ne l’a réalisée. Le temps leur a manqué et aussi une certaine faveur de l’opinion. Mais l’un et l’autre l’ont également tenue avec la même conviction, avec la même hauteur de vues, avec la même préoccupation de décentraliser la science, pour l’idée vraie, seule capable de fournir à l’enseignement supérieur sa forme naturelle. Il y aurait à citer de l’un et de l’autre plus d’une page excellente sur ce sujet. J’en détache quelques fragmens pour l’édification des gens bien informés qui répètent encore que l’idée des Universités est de semence germanique et qu’elle n’aurait jamais germé ni levé dans des cerveaux constitués à la française.

« Paris attire et absorbe moralement la France…. de tous les remèdes à employer en pareil-cas, la création de quelques Universités est l’un des plus praticables et des plus efficaces. Qu’il y ait