Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une formule entièrement nouvelle de l’enseignement supérieur. Sans doute le mot Université ne s’y trouve pas. On était à la veille ou au lendemain de la disparition des Universités de l’ancien régime, et ce mot eût été pour les choses si nouvelles qu’on méditait un mauvais passeport. Mais la chose y est. Elle y est pleine et entière, d’une telle plénitude qu’aucune des Universités qui existaient alors à l’étranger n’en avait fourni le modèle et n’en pouvait présenter l’équivalent.

C’est bien, au nom près, l’Université moderne, fille et mère à la fois de la science, que cet Institut national où Talleyrand proposait de réunir, organiquement coordonnés, tous les départemens du savoir, ce corps où se trouvera, disait-il, « tout ce que la raison comprend, tout ce que l’imagination, sait embellir, tout ce que le génie peut atteindre, qui puisse être considéré comme un tribunal où le bon goût préside, soit comme un foyer où les vérités se rassemblent,.. qui, par un commerce non interrompu d’essais et de recherches, donne et reçoive, répande et recueille toujours ; qui, fort du concert de tant de volontés, riche de tant de découvertes et d’applications nouvelles, offre à toutes les parties des sciences et des lettres, de l’économie et des arts, des perfectionnemens journaliers ; qui, réunissant tous les hommes d’un talent supérieur en une seule et respectée famille, par des correspondances multipliées, par des dépendances bien entendues, attache tous les laboratoires, toutes les bibliothèques publiques, toutes les collections, soit des merveilles de la nature, soit des chefs-d’œuvre de l’art, soit des monumens de l’histoire, à un point ; central et qui, de tant de matériaux épars, de tant d’édifices isolés, forme un ensemble imposant, unique, propre, à faire connaître au monde et ce que la philosophie peut pour la liberté, et ce que la liberté reconnaissante rend d’hommages à la philosophie… »

Ce sont bien encore les Universités, toujours au nom près, que ces Lycées où Condorcet, pénétré autant qu’homme de son temps de l’unité organique des sciences et sachant leurs divisions et leurs rapports, les groupait en un seul faisceau et autour d’un même centre, les distribuait en quatre classes : les sciences mathématiques et physiques, les sciences morales et politiques, les sciences appliquées aux arts, enfin les beaux-arts et les belles-lettres, et traçait pour chacune de ces classes un programme rationnel d’une telle ampleur scientifique qu’aucune nation ne peut, même à l’heure qu’il est, dire qu’elle l’a pleinement réalisé.

Sans doute à l’époque de la Révolution, les Universités allemandes valaient mieux que les Universités françaises, et l’esprit de la science y régnait. Mais leur grand éclat date surtout du