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plus fort que le tout. Il a l’unité légale ; le groupe ne l’a pas. Il a la personnalité civile ; le groupe ne l’a pas davantage. On peut donner à une Faculté ; on ne peut pas donner à un groupe de Facultés. Pour en faire un système solide, il faut à ces différens corps une même force de gravitation, capable de tenir en ordre les forces individuelles qu’ils recèlent. Autrement ce pourrait être, à plus ou moins brève échéance, de nouveau la dispersion. On n’est fort qu’en relevant de quelque chose de plus fort que soi-même. Quant à l’amour-propre des villes qui veulent avoir des Universités, il faut, non pas le dédaigner ou le railler, mais s’en réjouir. Il faut se réjouir surtout que les plus animées à en vouloir soient précisément celles qui, dans le passé, ont porté le moins d’intérêt à leurs Facultés, et n’ont vu longtemps en elles que des campemens de fonctionnaires. C’est une preuve qu’elles attendent des Universités autre chose que ce à quoi les avaient habituées autrefois les Facultés, quelque chose qui leur serve et qui vaille pour elles la peine de nouveaux sacrifices. C’est aussi un symptôme de cette décentralisation intellectuelle qu’on célèbre et qu’on réclame depuis cent ans, et pour laquelle il serait grandement temps de faire enfin œuvre efficace.

Du reste, à certains signes, on peut prévoir que le moment approche de la constitution des Universités. Je ne parle pas ici des changemens intérieurs accomplis dans les Facultés, de leur nouvelle façon d’être et de vivre. C’est la preuve expérimentale de leur maturité pour une réforme plus complète. Mais ce ne serait pas un indice qu’en dehors du public très spécial des professeurs, on y prît intérêt. Je parle de l’opinion. Eh bien ! partout l’opinion s’intéresse aux Universités de demain. A Lyon, par exemple, dans la presse, dans la société, et jusque dans le peuple des travailleurs, on parle couramment de l’Université lyonnaise ; on a foi dans son avenir, dans ses services. A Montpellier, on se prépare à fêter le sixième centenaire de la vieille Université d’autrefois. Ce sera la commémoration de quelque chose qui n’est plus ; mais on se propose bien d’en faire aussi une préparation à quelque chose qui n’est pas encore. Je parle aussi du sentiment maintes fois exprimé des ministres, de leurs actes, de leurs paroles. Comment oublier M. Jules Ferry posant aux Facultés, en 1883, la question des Universités ; M. Goblet, deux ans plus tard, présentant les décrets de 1885, comme la voie la plus sûre pour y atteindre ; M. Berthelot et M. Spuller, portant à Lille, où les appelaient les Facultés des sciences et de médecine, les Facultés de droit et des lettres de Douai ; M. Fallières, constatant, en tête de la statistique de 1888, que « déjà sur plus d’un point, se nouent, à n’en pas douter, de