Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce soit de spécial à la religion et à ses ministres, que les curés nomment leur évêque avec la même liberté que les francs-maçons nomment leur « vénérable, » que les fidèles s’assemblent dans le temple pour prier dans les mêmes conditions que les citoyens se réunissent en un meeting pour délibérer, que d’ailleurs les cérémonies extérieures du culte soient soumises aux simples ordonnances de police qui règlent, en pays libre, toutes les manifestations collectives, pensez-vous que cela suffira ? Que faites-vous du budget fourni par l’État aux protestans et aux Israélites ? Et quant au clergé catholique, prétendez-vous lui maintenir l’usage des édifices publics que le concordat lui a concédés ; prétendez-vous lui rendre le droit de posséder et laisser revivre ces biens de mainmorte, si odieux à nos ancêtres ?

En ce qui concerne les 3 millions des cultes non catholiques sur lesquels la synagogue touche environ 200,000 francs, — il est même assez singulier de voir l’État payer des ministres pour enseigner que Jésus-Christ est le sauveur du monde, et en payer d’autres pour le nier, — il semble équitable de procéder à leur égard, comme envers les catholiques, de transformer leur budget en titre de rente, et de leur restituer, avec la libre nomination des pasteurs et des rabbins, l’indépendance qu’ils ont perdue. Quoique la révolution ait traité les protestans mieux que les catholiques, que des décrets de la Constituante et de la Convention aient excepté de la vente des biens nationaux, en plusieurs départemens de Franche-Comté et de Lorraine, les domaines des réformés que protégeaient des traités solennels, des spoliations monarchiques les avaient plus d’une fois atteints par ailleurs. Le budget alloué de notre temps à deux confessions protestantes, exclusivement françaises, est, lui aussi, une formule d’oubli du passé. On en peut dire autant des juifs, ancienne proie des fureurs populaires et de l’avidité royale ; il est bon que leur culte figure au grand-livre pour une indemnité de principe, ne fut-ce qu’en témoignage du respect de notre XIXe siècle pour la liberté de conscience, et comme une protestation nécessaire contre les agissemens « antisémitiques » des insensés qui réclament à la fois la justice pour eux et la proscription pour d’autres.

Quant aux bâtimens ecclésiastiques, en 1790, les uns, églises, appartenaient aux paroisses, c’est-à-dire au peuple catholique, qui les avait bâties de ses deniers, les autres, presbytères, appartenaient au clergé. L’État, après s’être emparé des uns et des autres, les restitua aux communes avec obligation de les maintenir affectés aux besoins actuels. Ce que les communes possèdent aujourd’hui, c’est donc simplement une charge, parfois assez lourde ; placées