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cela arrive quelquefois. Mais revenons à nos moutons. Vous vous offensez de ce que j’ai trouvé mauvais, dites-vous, que Mlle de La Trousse vous ait montré mes raisonnemens contre l’amour ; et, là-dessus, vous concluez que c’est une marque de peu de confiance, de peu d’estime… enfin des merveilles. Cela serait admirable, si c’était vrai, il ne s’en faut que cela que vous n’ayez raison. Je n’ai point trouvé mauvais que Mlle de La Trousse vous ait montré ce raisonnement. Je vous aime mieux que je n’aime Mlle de La Trousse ; et je ne vous cacherai jamais rien de ce que je lui montrerai. Mais j’ai trouvé mauvais, et très mauvais, que Corbinelli, en qui j’ai une confiance si entière que je ne lui recommande même pas le secret, parce qu’il est lui-même le secret en personne, ait montré à Mlle de La Trousse une chose que j’écris à lui seul, à la campagne, sur le bout d’une table, pendant qu’il écrit, de l’autre côté, sur le même sujet ; et j’ai trouvé mauvais que ce que je n’ai écrit que pour lui, et sans l’avoir jamais relu ; ce que je ne lui ai laissé qu’un moment, parce que je le voulais brûler, ne comptant non plus cela pour quelque chose, que je compte les lettres que j’écris tous les jours, à quoi je ne pense pas ; que cela même, enfin, il le montre à Mlle de La Trousse, et qu’il lui en laisse prendre une copie, et qu’il lui défende même si peu de le montrer, que vous m’écrivez, sans y entendre de finesse, que vous l’avez vu. Ah ça ! Êtes-vous encore fâché ? Trouvez-vous que j’aie grand tort ? Et n’en auriez-vous pas vous-même si vous vous plaigniez encore de moi ? Je me plaindrais, à mon tour, si vous n’étiez pas satisfait d’une si longue justification. M. de La Fayette est à Paris et fort votre serviteur. Mes complimens, je vous prie, à madame votre sœur. Adieu. »


« Le 29 août 1663.

« J’ai aujourd’hui la main à la bourse pour payer mes dettes, c’est-à-dire à la plume, pour faire réponse à tous ceux à qui je la dois. Je vous paie des derniers et vous courez risque d’avoir de la méchante monnaie. Voici la dixième lettre que j’écris depuis deux heures ; cela veut dire que je ne sais tantôt plus ce que j’écris. Vous perdez beaucoup que je n’aie pas commencé par vous ; car je vous assure que mes premières lettres sont très éloquentes. Je m’en suis surprise moi-même, et j’ai songé si je n’avais point lu Balzac depuis peu. De mon ordinaire je ne donne pas dans l’éloquence, si bien que je ne sais à qui ni à quoi me prendre de la mienne.

« Enfin, vous aurez M. Ménage ; il partit hier, avec M. de