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procédés, les excès de l’ancien conseil municipal sont moralement en déclin. D’une manière assez générale, à travers bien des nuances, se manifeste plus ou moins le vœu que l’assemblée parisienne reste un conseil local, que l’Hôtel de Ville cesse d’être un foyer d’usurpations et d’agitations politiques, qu’on laisse à ces braves sœurs de charité le droit miséricordieux de soigner les malades et les pauvres dans les hôpitaux, que les conseillers municipaux ne soient plus des fonctionnaires rentes par la ville, en un mot que tout rentre dans l’ordre. C’est le programme des conservateurs, c’est aussi le programme de beaucoup de républicains lassés d’intolérance et de désordre ; mais ce vœu de l’instinct public ne peut devenir une réalité que si le gouvernement lui-même, reprenant son rôle, fait sentir son autorité. S’il ne voit pas aujourd’hui ce qu’il peut, l’aveuglement est sans remède ; s’il le voit, que peut-il craindre ? Il est bien sûr d’avoir l’appui de l’opinion.

C’est sa mission de chercher en dehors des hâbleries des partis le vrai sens de toutes les manifestations publiques. Qu’il étudie tous ces scrutins qui se succèdent, les élections législatives, même les dernières élections municipales de Paris ; qu’il interroge ce voyage que M. le président de la république vient de faire en Corse, en Provence, dans les Alpes ! Il faut toujours sans doute faire la part des banalités officielles. Est-ce qu’on croit cependant que ces populations qui ont entouré M. Carnot sont allées vers lui pour lui demander un gouvernement de combat, d’intolérance et de partialité jalouse ? Elles ont vu en lui le chef, le premier représentant de la nation, non le chef d’un parti ; elles lui ont demandé, par leur attitude, un gouvernement de bon sens et d’équité libérale, qui, en pacifiant la France, la replace sur un chemin où elle puisse voir clair et marcher avec confiance !

Des événemens comme celui qui a si étrangement transformé la scène allemande en faisant de M. de Bismarck ce qu’on appelle en Espagne un cesante, ces événemens ne s’accomplissent pas sans remuer les esprits, les intérêts et même les imaginations. L’ancien chancelier a été un trop puissant personnage, il a été un trop grand manieur d’affaires en Europe comme en Allemagne, il a trop marqué de son empreinte personnelle toute la politique pour que sa disparition soudaine ne laisse pas une incertitude momentanée dans toutes les situations. Les choses reprendront sans doute par degré leur équilibre et leur cours : c’est possible, c’est à croire. Provisoirement, on n’en peut douter, l’effet des changemens accomplis à Berlin, de ce vigoureux coup de barre donné au centre de l’empire voisin, se fait sentir dans la politique universelle, dans l’ébranlement des esprits, dans cette sorte d’attente où l’on vit. Il est sensible en Allemagne, dans les états liés à l’Allemagne, aussi bien que dans les pays intéressés à savoir ce que deviennent les rapports généraux du continent. Un peu partout on