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roue. Ajoutons que l’amulette par excellence des Gaulois, la « rouelle » solaire, fournit aisément, à l’avènement du christianisme, le chrisme ou monogramme du Christ (X et P entrelacés) par la simple adjonction d’une boucle[1]. De même, en Égypte, le chrisme fut ramené à la croix ansée ou clé de vie par toute une série de transformations qu’on a retrouvées dans les inscriptions de l’île de Philée.

Il n’est pas même nécessaire que les symboles ainsi combinés aient originairement possédé la moindre analogie de formes. Certes, il n’y a pas beaucoup de traits communs aux diverses images du soleil dans la vallée du Nil, quand on se le représentait, suivant les districts, comme un disque rayonnant, un épervier, un bouc, etc. Cependant les Égyptiens non-seulement réussirent à condenser toutes ces figures dans le globe ailé de leurs pylônes et de leurs corniches, mais ils trouvèrent encore moyen de donner à cet étrange amalgame les allures d’un autre animal solaire, le scarabée volant. Quand le globe ailé passa d’Égypte en Asie, les Assyriens à leur tour emboîtèrent dans le disque égyptien l’image de leur dieu Assour qu’ils se figuraient sous les traits d’un génie ailé, et il n’y a pas jusqu’à l’antique oiseau sacré de la Chaldée qui, selon M. J. Menant, n’aurait contribué à former chez les Mésopotamiens le type définitif de leur disque ailé. — Certaines monnaies de l’Asie-Mineure nous font bien saisir les différens procédés à l’aide desquels peuvent ainsi se combiner deux symboles, sinon même les principales étapes de l’opération par laquelle ils en procréent un troisième. Le soleil était quelquefois symbolisé en Asie-Mineure par un triscèle, c’est-à-dire par un disque autour duquel rayonnent trois jambes soudées par la cuisse ; d’autres fois, il y était représenté, comme en Égypte, par des animaux, tels que le lion, le sanglier, l’aigle, le dragon, le coq. Une monnaie d’Aspendus en Pamphylie présente le coq placé dans le champ, à côté du triscèle ; d’autres pièces de même provenance montrent le triscèle superposé ou plutôt collé au corps de l’animal, sans que celui-ci en perde sa physionomie naturelle. Enfin, dans une monnaie lycienne du British-Museum, les deux symboles, d’abord juxtaposés, puis soudés, se sont littéralement fondus, l’un dans l’autre : les trois jambes du triscèle se sont métamorphosées en trois têtes de coq qui se groupent de la même façon autour d’un centre. On songe involontairement ici aux représentations de personnages

  1. M. Gaidoz, dans son livre sur le Dieu gaulois du soleil et le Symbolisme de la roue, définit le chrisme : « une roue à six rais sans la circonférence et avec une boucle au sommet de la haste du milieu. » — Il convient d’ajouter que, même dans les catacombes, le chrisme est parfois inscrit dans un cercle.