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Égyptiens parait avoir engendré certains types de la Diane éphésienne, au visage nimbé, aux bras entr’ouverts, au corps enfermé dans une gaine, alors que le triangle sacré des Sémites, si fréquemment surmonté d’un disque et de deux barres horizontales, aurait inspiré chez les Grecs, — suivant François Lenormant, — des représentations d’harmonie ou même d’Aphrodite sous la forme d’un cône couronné d’une tiare et muni de deux bras rudimentaires. — Comme contre-partie de ces métamorphoses qui changent un symbole linéaire en représentation de la figure humaine, on peut citer certaines images, sculptées sur des pagaies de la Nouvelle Irlande, qui furent exhibées, en 1872, à la réunion annuelle de l’Association britannique pour le progrès des sciences. Il s’y révèle toute une série de déformations qui métamorphosent graduellement un visage humain en un croissant couché sur la pointe d’une flèche : n’eût été la présence des formes intermédiaires, jamais l’on n’aurait pu admettre ou même soupçonner la parenté des deux termes extrêmes.

Quand le symbole est composé de plusieurs images réunies, rien ne s’oppose à ce qu’il garde sa physionomie d’ensemble, alors cependant qu’un ou plusieurs de ses élémens constitutifs se modifient pour mieux répondre aux traditions religieuses, aux préférences nationales, voire aux particularités géographiques d’un nouveau milieu. C’est ainsi que le lis, comme le remarque M. de Gubernatis dans sa Mythologie des plantes, a pris la place du lotus dans les combinaisons symboliques empruntées par l’Occident à l’Orient. Un des exemples les plus caractéristiques de ces variations locales, combinées avec la persistance du type, nous est offert par les représentations figurées des arbres sacrés, où l’on croit reconnaître l’arbre de la vie mentionné également dans les traditions des Aryas et des Sémites. Dès la plus haute antiquité, les Chaldéens lui avaient attribué l’aspect du dattier, quelquefois garni d’une vigne grimpante ou d’une asclépiade analogue à la plante productrice du soma chez les Hindous. Les Assyriens en firent un arbre tout de convention où les feuilles du palmier se marient aux fruits d’un conifère et où des cornes de bouquetin forment comme un chapiteau au tronc. Les Phéniciens exagérèrent encore le caractère artificiel de cette représentation en greffant sur les branches la fleur du lotus. Les Grecs eux-mêmes l’introduisirent dans leur ornementation sous la forme abréviative de la palmette ou de l’acanthe. Quant aux Perses, ils l’adoptèrent avec la physionomie conventionnelle que lui avaient imprimée les Assyriens, et il se répandit ainsi jusque dans l’Inde, où les bouddhistes lui substituèrent le figuier sacré du Bouddha. D’autre part, les