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font que du symbolisme, alors même qu’ils prétendent s’en tenir à l’imitation servile de la nature. C’est en symboles que nous parlons, que nous écrivons, — et même que nous pensons, s’il faut en croire les systèmes philosophiques qui se fondent sur notre impuissance à saisir la réalité des choses.

C’est surtout le sentiment, — particulièrement le sentiment religieux, — qui recourt largement au symbolisme pour se mettre en communication plus intime avec l’être ou l’abstraction dont il désire se rapprocher. À cet effet, on voit partout les hommes tantôt adopter des objets naturels ou artificiels qui leur rappellent le grand absent, tantôt imiter, d’une façon systématique, les faits et gestes qu’ils lui prêtent, — ce qui est une manière de participer à sa vie ; — tantôt enfin objectiver, par des procédés aussi variés que significatifs, toutes les nuances des sentimens qu’il leur inspire, depuis l’humilité la plus profonde jusqu’à l’amour le plus ardent. De là l’extrême diversité des symboles, qui peuvent se diviser en deux classes, suivant qu’ils consistent en actes ou rites, ou bien en objets ou emblèmes. Nous nous occuperons exclusivement ici de cette seconde catégorie, ou plutôt des représentations figurées qu’elle a inspirées et que les générations passées nous ont transmises comme autant de vestiges matériels de leurs croyances. Même ainsi restreint, le champ des recherches est encore assez vaste pour qu’on ait à craindre de s’y égarer.

Les études de symbolique comparée sont tombées, vers la seconde partie de ce siècle, dans un discrédit qu’expliquent suffisamment leurs vicissitudes antérieures. Aux synthèses non moins prématurées que brillantes, — bâties avec des matériaux insuffisans et défectueux par l’école rationaliste, dont Dupuis et Dulaure avaient été les plus illustres représentans, — succéda, il y a une cinquantaine d’années, le système, plus philosophique que historique, de Creuzer et de ses disciples, qui se faisaient fort de retrouver, dans toutes les pratiques religieuses de l’antiquité, le reflet déguisé ou défiguré d’une profonde sagesse primitive. Toutes ces théories, après avoir successivement captivé l’opinion, se sont lentement désagrégées sous les démentis multiples que leur infligeaient les découvertes de l’archéologie, de l’ethnographie, de la linguistique, de l’histoire, et, comme il arrive souvent, la réaction qui s’ensuivit fut en proportion du premier engouement. Même les tentatives plus récentes de MM. Lajard et Émile Burnouf, bien que serrant les faits de plus près, n’étaient pas de nature à nous faire remonter le courant. Il semblait que l’archéologie comparée dût définitivement proscrire l’imagination