Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devraient être défrayés et régis par des sociétés différentes ; à tout le moins subventions allouées à ces établissemens, par suite intervention plus ou moins légitime et plus ou moins impérative dans leur régime interne : voilà de grandes entreprises qui font un ensemble, qui pèsent ensemble sur le budget présent, passé et futur de la commune, et qui, comme les branches distinctes de toute œuvre considérable, demandent, pour être bien conduites, que leur continuité et leur connexion soient toujours présentes dans l’esprit pensant et dirigeant qui les conduit[1]. Expérience faite, dans les grandes sociétés industrielles ou financières, à la Banque de France, au Crédit lyonnais et à la Société générale, au Creusot, à Saint-Gobain, aux compagnies d’assurances, de messageries maritimes et de chemins de fer, on a vérifié qu’à cet effet le meilleur moyen est la présence ininterrompue d’un gérant ou directeur permanent, engagé ou agréé par le conseil d’administration à des conditions débattues, homme spécial, éprouvé, qui, sûr de sa place pour un temps très long, ayant une réputation à soutenir, donne à l’affaire toutes ses heures, toutes ses facultés, tout son zèle, et qui, possédant seul à tout instant la conception cohérente et détaillée de l’entreprise totale, peut seul y introduire l’initiative judicieuse, les économies bien entendues et les perfectionnemens pratiques. Tel est aussi le régime municipal dans les villes de la Prusse rhénane ; là, par exemple à Bonn[2], le conseil municipal élu par les habitans « se met en quête » d’un spécialiste éminent qui a fait ses preuves. Notez qu’on le prend où on le trouve, hors de la ville, dans une province éloignée ; on traite avec lui, comme on traite avec un musicien de renom pour diriger une série de concerts ; sous le titre de bourgmestre, avec un traitement annuel de 10,000 francs et une pension de retraite, il devient, pour douze ans, le directeur de tous les services municipaux, le chef d’orchestre, seul chargé de l’exécution, seul muni du bâton magistral auquel obéissent les divers instrumens, les uns

  1. Max Leclerc, la Vie municipale en Prusse, p. 17. — En Prusse, cet esprit dirigeant s’appelle « le magistrat, » comme dans nos anciennes communes du nord ci du nord-est. Dans la Prusse orientale, le magistrat est collectif ; par exemple, à Berlin, il comprend 34 personnes, dont 17 spécialistes, salariés et engagés pour douze ans, et 17 à titre gratuit. Dans la Prusse occidentale, le gérant municipal est le plus souvent un individu, spécialiste salarié et engagé pour douze ans, le bourgmestre.
  2. Max Leclerc, ibid., p. 20. — « Le bourgmestre actuel de Bonn fut, avant d’être appelé à ces fonctions, bourgmestre à Münchens-Gladbach. Le bourgmestre actuel de Crefeld est venu de Silésie… Récemment, un juriste, connu pour ses publications sur le droit public, occupant un poste d’État dans la régence de Magdebourg, » a été appelé par la ville de Munster à la place lucrative de bourgmestre. » A Bonn, ville de 30,000 habitans, « tout repose sur ses épaules, il exerce une foule d’attributions qui, chez nous, incombent au préfet. »