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encore de l’autonomie démocratique. Dans l’état présent des institutions et des esprits, le premier régime, si mauvais qu’il soit, est notre dernier abri contre la malfaisance pire du second.


X

En effet, le suffrage universel direct et compté par têtes est, dans la société locale, une pièce disparate, un engin monstrueux, et celle-ci répugne à l’admettre. Constituée comme elle l’est, non par l’arbitraire humain, mais par des conditions physiques, son mécanisme est déterminé d’avance ; il exclut certains rouages et agencemens ; c’est au législateur à le transcrire dans la loi tel qu’il est écrit dans les choses, du moins à le traduire à peu près et sans contre-sens grossiers. La nature elle-même lui présente des statuts tout faits. À lui de les bien lire : il y a lu déjà la répartition des charges ; il y peut lire maintenant la répartition des droits.

Ainsi qu’on l’a vu, la société locale rend deux services distincts qui, pour être défrayés l’un et l’autre, comportent deux cotes distinctes, l’une personnelle et l’autre réelle, la première que l’on présente à tous, et dont le chiffre est le même pour chacun ; la seconde, qu’on ne présente pas à tous et dont le chiffre hausse pour chacun en proportion de sa dépense, de l’importance de ses affaires et de son revenu en immeubles. — En stricte équité, le chiffre de la première devrait être égal au chiffre moyen de la seconde : en effet, comme on l’a montré, les services que la première défraie sont aussi nombreux, divers et précieux, encore plus vitaux et non moins coûteux que ceux dont la seconde est le prix. Des deux intérêts qu’elles représentent, chacun, s’il était seul, serait obligé, pour obtenir les mêmes services, de faire à lui seul tout l’ouvrage ; aucun des deux ne toucherait davantage dans le dividende, et chacun des deux aurait à payer la dépense entière. Ainsi chacun des deux gagne autant que l’autre à la solidarité physique qui les lie. C’est pourquoi, dans l’association légale qui les lie, ils entrent à titre égal, à la condition d’être déchargés ou chargés autant l’un que l’autre, à la condition que, si le second prend à son compte une moitié des frais, le premier prend l’autre moitié des frais à son compte, à la condition que, si la seconde cote, sur chaque centaine de francs dépensés contre les fléaux et pour la voie publique, paie 50 francs, la première cote paiera aussi 50 francs. — Mais, en pratique, cela n’est pas possible. Trois fois sur quatre, avec cette répartition, la première cote ne rentrerait pas : par prudence et par humanité, le législateur est tenu de ne pas trop grever les pauvres. Tout à l’heure, en instituant l’impôt général et le revenu de l’État, il les a ménagés ; maintenant, en