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demeurait alors à Nice ; l’autre fut renfermée dans un mausolée élevé à Coblentz. Cette dernière fut brisée, quelque temps après, par des malfaiteurs qui espéraient y trouver des valeurs considérables, et les cendres furent perdues. L’autre subit d’étranges vicissitudes. Quand Mme Sergent reçut l’urne qu’on lui avait réservée, elle partagea son contenu en trois lots. Elle garda le premier, envoya le second à un aide de camp du général, qui le légua en mourant au musée de Chartres, et fit don du troisième à une jeune fille de Châteaugiron, que Marceau devait épouser. Celle-ci ne demeura pas fidèle à la mémoire de son fiancé : elle se maria et renvoya les cendres à la famille, qui les conserva jusqu’à la mort de Sergent, dans le tombeau duquel on les déposa. C’est ce dernier lot, représentant à peine le sixième des cendres, qu’on a exhumé en grande pompe, au mois de juillet dernier, pour le transporter au Panthéon. En voyant les vicissitudes par lesquelles ces restes ont passé, les pérégrinations qu’ils ont subies, on se demande, si tel a été le sort des cendres d’un héros, ce qu’il adviendrait de celles des personnages vulgaires.

Les inconvéniens qu’il y aurait à laisser les cendres à la disposition des familles ont, du reste, frappé tous les bons esprits. C’est en Italie que la question a été soulevée pour la première fois, à propos de l’instance formée, en 1881, par Cuniberti, à l’effet de conserver chez lui les cendres de sa fille. Le ministre de l’intérieur déféra la demande au conseil d’Etat ; elle fut repoussée comme étant en opposition avec la loi, qui enjoint de déposer les restes humains dans les cimetières, loi que les décrets relatifs à la crémation n’avaient pas pu abroger. L’année suivante, le ministre, après avoir pris l’avis du même conseil, autorisa la conservation des urnes funéraires dans les instituts de bienfaisance, dans les églises et autres édifices consacrés au culte[1]. En France, la législation est tout aussi précise, et le décret du 27 avril 1889 dispose que les cendres ne peuvent être déposées que dans les lieux de sépulture régulièrement établis.

Le columbarium est donc l’aboutissant nécessaire de toutes les urnes qui ne peuvent pas trouver place dans les sépultures de famille, et son encombrement est fatal. C’est une simple question de temps, et nous ne savons pas quelles conséquences pourront en résulter un jour. Nous sommes à une époque où les idées pratiques sont en faveur. Déjà la pensée d’utiliser les produits de l’incinération s’est fait jour plus d’une fois. A l’époque où la question commençait à passionner les esprits, M. Xavier Rudler

  1. Arrêté du 9 juillet 1882.