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croisade fut menée avec un entrain sans égal et une ardeur de néophytes, par les sociétés italiennes et par les crémateurs français qui aspiraient à suivre leur exemple. L’administration municipale s’en émut alors et nomma une commission de douze membres pour étudier la question[1]. Le rapport, rédigé par le docteur O. du Mesnil, et adopté le 7 mars 1881, a fait justice de toutes ces exagérations.

Les émanations n’arrivent pas à la surface du sol, et la preuve, c’est qu’elles n’affectent pas l’odorat dans les cimetières bien tenus, tandis qu’on trouve, dans Paris, nombre de rues exhalant une odeur infecte surtout dans l’été. Les gaz provenant de la décomposition ne sortent pas de terre et, dans les cas exceptionnels où cela peut advenir, ils sont sans danger, parce qu’ils se dégagent à l’air libre.

Les infiltrations qui peuvent atteindre la nappe souterraine sont insignifiantes, lorsqu’on les compare à celles qu’y déversent les habitations et la voie publique. Pettenkofer, de Munich, qui fait autorité en matière d’hygiène urbaine, a calculé que les élémens putrescibles, provenant de ces deux sources, qui pénètrent dans le sol de Munich, équivalent à ceux que produirait l’inhumation annuelle de 50,000 personnes. Or, la ville n’a que 200,000 habitans.

L’eau des puits creusés dans les cimetières n’est pas plus chargée de matières organiques que celle des autres, et d’ailleurs il n’est pas d’agglomération urbaine de quelque importance qui n’ait aujourd’hui sa distribution d’eau de source prise en dehors de son enceinte, et l’eau des puits ne doit jamais servir aux usages alimentaires. La contamination des rivières est encore moins vraisemblable ; enfin, le reproche d’engendrer des maladies infectieuses est tout aussi gratuit. Il n’a jamais reposé que sur des argumens théoriques et des expériences de laboratoire. On est encore à citer une épidémie qui soit sortie d’un cimetière.

Est-ce à dire que leur présence au sein des villes soit une chose indifférente à l’hygiène ? non sans doute ; mais on n’a rien fait pour qu’il en soit autrement. Ils sont presque partout dans de mauvaises conditions. Les prescriptions du décret du 23 prairial an XI sont radicalement insuffisantes et celui du 27 avril 1889 qui en a reproduit, sans y rien changer, les dispositions les plus fâcheuses, ne vaut pas mieux que son prédécesseur. La profondeur des fosses, leurs dimensions, leur écartement, sont beaucoup trop faibles.

  1. MM. de Heredia, docteur G. Martin, docteur Bouchardat, Bourgoin, A. Carnot, Feydeau, Huet, Le Roux, docteur O. Du Mesnil, Pasquier, Schutzenberger, Caffort.