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par ceux-ci aux défis de leurs adversaires ne trouvaient-elles pas plus d’écho dans l’Académie que les prédications tapageuses <des romantiques. Quatremère de Quincy lui-même, en qui semblait se personnifier l’esprit de dogmatisme et de réglementation esthétique, ne faisait-il pas une juste part aux influences relatives de la théorie et de la pratique, lorsqu’il écrivait à la première page de son livre sur l’Imitation dans les beaux-arts : « Je pense que les beaux ouvrages doivent plutôt donner naissance aux théories que les théories aux beaux ouvrages ? » Le tort des classiques, comme celui des romantiques, dans le combat qu’ils soutenaient les uns contre les autres, était de renverser les deux termes de la proposition et de subordonner l’action des talens à l’autorité préalable des conventions et des préceptes.

Entre les belligérans, au surplus, tout ne se bornait pas, il faut le redire, à ces attaques ou à ces résistances sur le terrain de la spéculation pure. De la guerre aux idées, on en était venu assez vite aux outrages envers les personnes. Même avant les scandales de la première représentation d’Hernani, où les admirateurs par anticipation accueillaient avec des quolibets injurieux l’entrée de ceux qu’ils soupçonnaient d’apporter des dispositions hostiles, les insultes par la voie de la presse aux corps académiques, à l’Académie française en particulier, étaient entrées dans les procédés quotidiens de discussion. Un article de journal dont Sainte-Beuve était l’autour, et qu’on a bien fait de ne pas réimprimer dans ses œuvres, dénonçait à l’indignation publique « cette poignée d’hommes médiocres et usés,.. obéissant à un triste esprit de rancune littéraire ou philosophique, » et tout prêts, lors de la prochaine élection, « à laisser encore une fois le génie sur le seuil, pour s’attacher à quelque candidat bénin et banal qui fait des visites depuis quinze ans. » Ces violences de langage et ces accusations passionnées jusqu’à la calomnie qui rappellent les moyens employés, une quarantaine d’années auparavant, pour battre en brèche les anciennes académies, ces appels à la révolte contre les représentans légitimes de l’aristocratie dans les lettres et dans les arts, — tout cela, sans doute, était excessif et au fond très blâmable ; mais, au moins en ce qui concerne les assauts livrés alors à la grande « citadelle littéraire, » les assiégeans ne trouvaient-ils pas un prétexte, et, à la rigueur, une excuse, dans quelques-uns des procédés de défense dont les assiégés avaient fait choix, — dans certaine démarche, par exemple, tentée au commencement de l’année 1829 et à laquelle plusieurs membres de l’Académie française n’avaient pas craint de s’associer ?

Jusqu’alors les plus ardens champions de la cause classique s’étaient contentés d’opposer à l’invasion des « barbares » leur