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brevets et grades, décorations de la Légion d’honneur, titres de chevalier, de baron et de comte[1], gratifications et dotations, voilà les prix offerts aux représentans de la société locale, les mêmes prix qu’aux autres fonctionnaires, mais à la même condition, c’est qu’ils seront eux aussi des fonctionnaires, c’est-à-dire des outils dans la main du gouvernement. A cet égard, toutes les précautions sont prises, surtout contre ceux qui, formant un corps, peuvent être tentés de se croire une assemblée délibérante, conseils municipaux et conseils généraux, moins maniables que les individus isolés et capables à l’occasion d’une docilité moins prompte ; aucun d’eux ne peut siéger plus de quinze jours par an ; chacun d’eux reçoit de la préfecture son budget presque définitif et tout dressé, recettes et dépenses ; en fait de recettes, toute son autorité consiste à voter certains centimes additionnels, centimes facultatifs et plus ou moins nombreux à sa volonté, mais dans les limites établies par la loi[2] ; » encore, même dans ces limites, sa décision n’est exécutoire qu’après l’examen et l’approbation de la préfecture. Même procédé pour les dépenses ; en fait, municipal ou général, le conseil n’est que consultatif ; c’est le délégué du gouvernement, maire, sous-préfet, préfet, qui commande ; ayant l’initiative préalable, la direction continue et la confirmation terminale, pendant deux semaines, il régente le conseil local, puis, pendant onze mois et demi, seul administrateur, seul chargé de l’exécution quotidienne et consécutive, il règne dans la société locale. — Sans doute, ayant touché et déboursé de l’argent pour elle, il est comptable et présentera ses comptes, ceux de l’année, dans la session suivante ; à la commune, dit la loi[3], « le conseil municipal entendra et pourra débattre le compte des recettes et dépenses municipales. » — Mais lisez le texte jusqu’au bout et notez le rôle qu’en cette occasion la loi assigne au conseil. C’est le rôle du chœur dans une tragédie antique : il assiste, écoute, approuve ou blâme, au second plan et en sous-ordre ; approuvés ou blâmés par lui, les personnages principaux de la pièce restent maîtres d’agir à leur guise ; ils s’accordent ou ils contestent par-dessus sa tête, indépendamment,

  1. Décret du 1er mars 1808 : Sont comtes de plein droit les ministres, les sénateurs, les conseillers d’État à vie, les présidens du corps législatif, les archevêques. Sont barons de plein droit les évêques. Peuvent être barons, après dix ans d’exercice, les premiers présidens et procureurs généraux, les maires des trente-six villes principales. (En 1811, au lieu de trente-six villes, il y en a cinquante-deux.) Peuvent aussi devenir barons les présidens et membres des collèges électoraux de département qui ont assisté à trois sessions de ces collèges.
  2. Décret du 4 thermidor an X.
  3. Loi du 28 pluviôse an VIII.