Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/720

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’opposition complice des révolutionnaires, des ennemis de l’intégrité de l’empire britannique : il a eu le vote pour lui à la chambre des lords comme à la chambre des communes, il n’est pas moins sorti affaibli, quelque peu éclaboussé, de ces débats qui ne cessent d’agiter le parlement. A peine le ministère avait-il échappé à ces discussions, il a éprouvé coup sûr coup, à l’improviste, ces jours derniers, deux échecs à la chambre des communes. Il n’a pu d’abord empêcher le vote d’une motion du général sir Edward Hamley au sujet des volontaires qui forment une véritable armée de réserve à côté de, l’armée régulière. Jusqu’ici, par une singulière anomalie, les volontaires sont obligés de s’équiper à leurs frais. Sir Edward Hamley, sans aucune arrière-pensée d’opposition d’ailleurs, proposait tout bonnement d’inscrire la dépense de l’équipement des volontaires au budget de l’État. C’était aussi juste que simple. Les ministres cependant, par un assez futile calcul de popularité, pour ne pas paraître augmenter les dépenses militaires, ont fait ce qu’ils ont pu pour arrêter la proposition au passage ; ils l’ont combattue sans succès. La motion a été votée malgré les ministres, malgré sir Edward Hamley lui-même, qui s’est efforcé au dernier moment de la retirer pour épargner un ennui au cabinet. Plus récemment, le ministère s’est trouvé encore en minorité à propos des chemins en Écosse. Ce ne sont là, si l’on veut, que de simples accidens, de petits échecs qui n’ont rien de politique et de décisif. Si petits qu’ils soient, ils ne révèlent pas moins une certaine incohérence ou une certaine indiscipline de majorité. Ils sont peut-être d’autant plus significatifs qu’ils coïncident avec cette série d’élections partielles qui, depuis quelque temps, attestent un mouvement assez marqué dans le pays, un retour de fortune pour les libéraux et leur vieux chef, M. Gladstone. Un autre signe qui a bien quelque gravité enfin, c’est le discours récent par lequel lord Randolph-Churchill s’est séparé avec éclat du vieux torysme et du ministère, à l’occasion de l’enquête Parnell. Lord Randolph-Churchill peut être traité en enfant terrible du torysme et même être excommunié ; il n’a pas moins son action sur les masses conservatrices, et sa rupture n’est pas sans importance, d’autant plus que les unionistes eux-mêmes, de leur côté, ne sont pas des alliés sans conditions et sans réserves pour le gouvernement. De là un certain ébranlement, qui ne menace peut-être pas le ministère dès aujourd’hui, qui pourra le mettre en péril avant peu.

Que le ministère lui-même commence à sentir les difficultés de la situation, cela n’est guère douteux. Ces jours derniers, lord Salisbury, avant son départ pour le continent, a probablement voulu avoir une explication avec ses amis du parti conservateur qu’il a réunis un peu solennellement à Carlton-Club. Lord Salisbury s’est hâté de déclarer qu’aucune inquiétude, aucune circonstance particulière n’avait motivé