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(375,000 fr.), la moyenne étant de 1,500 yens environ (7,500 fr.). Ces installations constituent la transition entre l’atelier domestique et la manufacture occidentale. Pour la première fois, les femmes et les enfans, qui, d’ailleurs, forment le plus grand nombre, sont employés côte à côte avec les hommes, et la rémunération se règle d’après le temps du travail. Le nombre des heures d’ouvrage varie de 9 à 14 ; 12 heures forment la journée la plus habituelle ; les défenseurs de la journée de 8 heures en Europe et aux États-Unis feront bien d’ouvrir les yeux sur l’extrême Orient. Vu la nature de leurs opérations, ces établissemens ne travaillent qu’une partie de l’année, en général 160 jours. En 1885, la soie produite dans des usines représentait une valeur de 1,185,000 yens, environ 6 millions de francs, ce qui n’était pas encore une proportion de 10 pour 100 de la soie exportée, qui était évaluée à 14 millions et demi de yens (72 millions de francs). L’atelier domestique se défend encore au Japon, mais la manufacture a fait son apparition, il est dans sa destinée d’être une accapareuse.

Le Japon ne prépare pas seulement la soie brute, il la tisse aussi et en fait de jolies étoiles. L’industrie des soieries japonaises a, cependant, perdu du terrain par l’ouverture du pays au commerce étranger. Autant la production de la soie en a été surexcitée par les facilités d’exportation, autant celle des soieries dut souffrir de la concurrence des lainages ou des cotonnades européennes à bas prix. L’exportation, soit de la graine, soit des cocons, fit renchérir la soie dans le pays depuis 1859 dans la proportion de 1 à 10 ou 16 ; le Japonais des classes inférieures et moyennes dut abandonner ses vêtemens soyeux pour revêtir le coton banal. M. Yeijiro Ono pense que, avec leur abondance de main-d’œuvre habile et peu coûteuse, les Japonais pourraient aisément regagner leur marché intérieur et même lutter sur les marchés étrangers avec les soieries européennes ; mais il faudrait, selon lui, remplacer les métiers à la main par des métiers mécaniques, le travail domestique par le travail en atelier ; graduellement, mais sûrement, ajoute-t-il, cette transformation va s’opérer.

Dans l’industrie de la porcelaine, on saisit les germes de la même évolution que dans celle de la soie. Les argiles à poterie abondent au Japon, et les qualités les plus pures et les plus variées se rencontrent les unes à côté des autres, et toutes près de la mer ou des rivières. La demande extérieure développe rapidement cette production. Dans beaucoup de districts, la manufacture domestique cède pour ces articles la place à de véritables usines. L’exportation des porcelaines a dépassé, en 1886, 1 million de yens (5 millions de francs), ayant doublé en deux ans. M. Yeijiro Ono pense que,