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splendidement ; quand il mûrit, on met le champ à sec et la récolte se fait entre le milieu de septembre et la fin d’octobre. Par cette méthode de jardinage, les fermiers intelligens et industrieux obtiennent parfois d’énormes rendemens, jusqu’à 50 ou 60 boisseaux par acre, soit de 45 à 54 hectolitres à l’hectare.

La variété de riz dont on vient de décrire la culture se nomme low-land rice (riz des marais), et la culture en est considérée comme la plus profitable. Toutes les terres d’alluvion, tous les bords de la mer, dans les vallées ou dans les cuvettes des montagnes, lui sont consacrées. Il est une autre variété de riz qu’on appelle the upland variety (le riz de montagne). Il croît sur les sols élevés et secs, ne demande que peu de labeur et aucun travail coûteux d’irrigation. Le rendement en dépasse rarement 15 boisseaux à l’acre, ou 13 hectolitres et demi à l’hectare. A peine 2 pour 100 de la totalité des terres en riz sont consacrés à cette variété, mais c’est sans doute la réserve de l’avenir, les sols profonds et submersibles étant limités en quantité, et probablement déjà, pour la plupart, soumis à la culture, tandis qu’il reste encore à défricher des espaces indéfinis de terres à riz de montagne.

Le paysan japonais jouit d’un peu de repos pendant l’automne, après la récolte du riz. Il se remet bientôt à l’œuvre, laboure et pulvérise de nouveau ses petits champs, les divise en planches et y sème du froment ou de l’orge ; il y apporte encore un soin minutieux, mais il s’entend moins à la culture des grains durs que du riz, où il excelle. La production moyenne n’en dépasse pas 12 boisseaux à l’acre, ou une dizaine d’hectolitres à l’hectare ; comme récolte accessoire, c’est encore un rendement fort acceptable.

M. Yeijiro Ono fait le compte de ce que gagne ce petit propriétaire de 2 hectares de sol. Il a pu récolter 62 à 63 hectolitres de riz, qui, à 2 yens un tiers (une dizaine de francs) l’hectolitre, font 140 yens, ou environ 720 francs, plus une vingtaine d’hectolitres de blé, qui représentent 54 yens, soit 280 francs environ ; avec une dizaine de yens (50 fr.) de recettes diverses, il obtient un revenu brut de 204 yens, ou 1,050 francs en chiffres ronds. Il en doit déduire une quarantaine de yens (206 fr.) pour les gages de ses ouvriers, qui sont en outre nourris, puis la somme énorme de 30 yens, plus de 150 francs, d’impôts (pour 2 hectares), une vingtaine de yens (100 fr.) pour frais divers. Il lui reste 114 yens, ou 586 francs environ, pour s’entretenir lui et ses serviteurs. Sa femme, il est vrai, et ses filles filent au rouet, ou plutôt, comme depuis une quinzaine d’années cet instrument primitif tend à disparaître, elles tissent des étoffes avec des fils de coton importés des filatures du Bengale ou de Manchester, ou enfin elles élèvent des vers