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socialisme d’État du gouvernement actuel seront invoquées comme précédens par les socialistes révolutionnaires, aux yeux desquels le droit, de propriété, tel que nous l’entendons, a tout au plus une valeur historique, que les majorités législatives à venir changeront suivant, les besoins du temps.

Au moment même où le gouvernement allemand décidait la majorité actuelle du Reichstag à accepter l’assurance contre l’invalidité par l’État comme une garantie de paix sociale, les grèves des mineurs en Westphalie, en Silésie et dans le pays de la Sarre éclataient comme une ironie du sort, comme un démenti jeté à la face des assureurs du salut public. Les caisses des mineurs accordent à leurs sociétaires invalides des pensions plus élevées que les rentes promises par les offices de l’empire, sans empêcher parmi eux les manifestations de mécontentement. Tout en reconnaissant l’utilité des institutions de prévoyance, on ne peut donc les considérer comme l’unique moyen de résoudre la question sociale. Sensibles aux bons traitemens, les ouvriers les plus paisibles, les plus reconnaissans pour les sacrifices faits en vue de les garantir contre la misère, rechercheront toujours l’augmentation des salaires comme moyen préféré pour améliorer leur condition. En ce qui concerne l’assurance contre l’invalidité et la vieillesse, les députés socialistes ont repoussé le projet officiel, parce que les rentes promises sont insuffisantes et les contributions exigées trop élevées. Leurs préférences, leurs aspirations iront à la création d’une caisse de retraite unique, commune à toute l’Allemagne, dotée de subventions de l’État assez larges pour que les ouvriers soient dispensés de versemens personnels, tout en ayant droit à des rentes plus élevées en cas d’incapacité de travail.

Accorder davantage aux travailleurs, sans rien leur demander, tel est l’idéal prêché par les orateurs démocrates-socialistes. En réclamant des pensions de retraite plus fortes, accordées à un âge moins avancé, sans paiement de primes, les députés socialistes ont soutenu ces prétentions par le motif que les classes pauvres, les ouvriers, paient à la caisse de l’empire la majeure partie des impôts de consommation et les droits de douanes. Celui d’entre eux qui a le premier répondu au ministre d’État, M. Grillenberger, dans une critique acerbe des assurances ouvrières, telles qu’elles sont organisées par le gouvernement et la bourgeoisie, a repoussé avec dédain les pensions promises en vertu du projet officiel. Les rentes offertes par l’assurance restent au-dessous des secours légaux donnés par l’assistance publique dans beaucoup de contrées. Elles sont un trompe-l’œil, une misérable aumône, des pierres au lieu de pain, ein Bettelgeld, Steine anstalt Brod. Mieux vaut encore l’assistance, pour les indigens, que l’assurance comme les gens