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retraite, telle que la prescrit ou l’ordonne la loi allemande. Ajoutez à ces reproches des démocrates-socialistes les objections des esprits réfléchis de tous les partis contre les subventions de l’empire et la pratique définitive du socialisme d’État : ce concert de remontrances et de plaintes élevées sur l’institution en question ne porte pas précisément la marque d’un, témoignage de satisfaction. Seul, le gouvernement se montre satisfait des résultats obtenus et proclame sa trilogie sociale « une grande œuvre, jusqu’ici sans précédent dans l’histoire, une des pages les plus glorieuses de l’histoire de la patrie allemande. »

Ce dithyrambe du ministre chargé de soutenir le projet officiel, qu’il a défendu avec un réel talent, trouva de nombreux contradicteurs. Au lieu d’une institution magnifique et d’une panacée de la misère, ceux-là appellent, les rentes offertes par l’assurance contre l’invalidité « une aumône de mendiant, une assistance pour les forts au détriment des faibles ! » Les plus modérés auraient désiré avec M. de Kardoff, champion décidé de la monarchie, tout au moins un ajournement de la décision du Reichstag à une session ultérieure pour des informations plus complètes. D’autres députés conservateurs, comme le comte de Mirbach et M. de Staudy, dont l’un a voté contre la loi tandis que l’autre s’est abstenu, ont combattu l’institution projetée parce qu’elle impose aux grands propriétaires fonciers des charges allant jusqu’à 140 pour 100 de l’impôt sur les terres. M. Lohren, membre du parti de l’empire, reproche aux propositions du conseil fédéral de reposer sur des données tout à fait fausses, sur des calculs insuffisans, en sorte que les décisions prises hâtivement exposent le pays aux plus grands dangers sociaux et financiers. Suivant toute probabilité, la somme annuelle des rentes à payer d’après le tarif admis dépassera 300 millions de marcs au lieu de 240 indiqués dans les prévisions officielles. Les calculateurs du ministère ont oublié de compter qu’aux 11 millions d’ouvriers soumis à l’assurance obligatoire pourront s’ajouter 4 à 5 millions de vieilles gens assurés de leur propre gré, non sans imposer de lourdes charges aux offices d’assurance. Une autre erreur des mêmes calculateurs tient à l’hypothèse que tous les assurés verseront leurs primes pendant quarante-sept semaines annuellement, depuis l’âge de seize ans jusqu’au moment de leur admission à la retraite. Or, pendant des années et des années, les assurés volontaires autorisés à profiter de l’assurance ne paieront pas de prime, tout en ayant droit à la subvention de l’empire, avec une rente relativement élevée. Par suite, le nombre de personnes au-dessus de soixante ans à pensionner, au lieu de s’élever à 595,000 dans quelques années, d’après l’évaluation officielle, atteindra peut-être le triple. La plupart des gens âgés, dont le revenu reste