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trouvaient découverts : encore un effort et le siège de la puissance perse restait aux mains des Romains. Le seul embarras consistait à conduire sous les murs de ces deux villes un matériel assez fort pour les ébranler. Notre artillerie de campagne ou de forteresse, nos trains de munitions ne sont rien comme encombrement, si on les compare aux balistes, aux catapultes, aux hélépoles des anciens. Pour assiéger une ville à cette époque, il fallait pour ainsi dire en bâtir une autre, — chose impossible dans une contrée où le bois et les pierres manquaient. Aussi, Julien n’avait-il jamais eu la pensée de s’emparer par une opération de longue haleine des places où l’ennemi semblait résigné à concentrer sa résistance. Les enlever par surprise, à la faveur d’une panique, en profitant du désordre moral que devait avoir produit une succession continue de défaites, à la bonne heure ! Si le coup de main échouait, il fallait sans hésiter battre en retraite et se replier sur Antioche pour y préparer une nouvelle campagne. On aurait du moins l’avantage d’avoir exploré le chemin.

Les villes de brique ne laissent pas de vestiges aussi facilement reconnaissables que ceux des villes de marbre. Le colonel Chesney, cependant, inclinerait à penser que les ruines de Tell’Akhar entre la rive gauche de l’Euphrate et le Nahr J’sa pourraient bien correspondre à la description que nous a laissée de Perisaboras l’historien de l’expédition romaine, Ammien Marcellin. Dans ce cas Firouz-Sapor, ou Anbar, occuperait probablement l’emplacement de la grande cité élevée par les Perses pour servir d’avant-poste à leur capitale.

Suivons maintenant Julien pendant qu’il s’avance le long de la rive méridionale du Nahr J’sa. Il va dépasser une première ville abandonnée par les juifs qui l’habitaient. Cette ville n’est pas une place forte. Les assyriologues croient en retrouver les débris dans le village persan d’Akar-Kuf. Un peu plus loin, la marche de l’armée sera de nouveau arrêtée. La double enceinte de Maozar-Malka, environnée d’un fossé profond, les seize tours qui la ilanquent, se dressent sur les bords du Nahr-Malka, un des canaux qui mettent en communication l’Euphrate et le Tigre.

Quand les machines manquent pour renverser les murailles, on creuse des mines sous terre et on sape les remparts à leurs fondations. Alexandre a usé de ce moyen dans la Gédrosie ; Julien va l’employer en Chaldée. Les murs s’écroulent. Pendant que les Perses accourent pour défendre la brèche, les Romains débouchent par le passage souterrain qu’ils ont prolongé vers le centre de la ville. Il n’y a plus d’obstacles à leur marche jusqu’à Séleucie.

« Les géographes sont dans l’erreur, nous assure M. Lejean