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armée détruite. « 30,000 Romains, dit Eutrope, restèrent sur le champ de bataille. « Il nous sera permis de mettre ce chiffre en doute. Crassus avait traversé l’Euphrate à la tête de sept légions et de 4,000 chevaux. La légion romaine ne dépassait guère l’effectif d’une de nos divisions au réel, — je ne dis pas au nominal, — complet de guerre, — 6,000 hommes environ. Cassius en outre, le questeur Cassius que le sort réservait pour le meurtre de César, réussit à sauver sa colonne presque tout entière. Quand on se reconnaît après une catastrophe, on reste étonné du nombre de soldats qu’on retrouve.

L’imagination des peuples grossit toujours les conséquences d’une défaite. Les Parthes furent, à partir de la défaite de Carrhes, considérés comme les ennemis les plus inaccessibles à la puissance romaine. Ils n’étaient cependant dangereux que lorsqu’on allait les chercher chez eux. La question des transports est la grosse question dans toutes les guerres qui ont le désert pour théâtre. C’est parce qu’ils ont su organiser leurs convois que le maréchal Bugeaud et le général de La Moricière sont venus à bout des Arabes.

Antoine, un général d’une bien autre valeur que Crassus, faillit avoir, quelques années après la bataille de Pharsale, le même destin que l’infortuné collègue de Pompée. Il n’y échappa que par des prodiges d’énergie. Arrêté dans les montagnes de l’Atropatène par la nécessité de prendre une place forte sans machines de guerre, il vit ses bagages enlevés par une surprise de cavalerie et leva le siège au moment où il comprit qu’il allait manquer de vivres.

Lever un siège n’est rien quand on a une ligne de retraite assurée. Antoine fut obligé de se jeter, comme Xénophon, dans les montagnes pour gagner des bords du lac d’Ourmiah la plaine de Tauris. Soliman le Grand passera un jour par ce chemin. Il ne pardonnera jamais à son favori, le grand-vizir Ibrahim, les dangers qu’il y a courus. Pour Antoine, cette campagne contre les Parthes fut assurément la campagne la plus dure qu’il ait jamais faite. Il y déploya des talens militaires de premier ordre.

Plus de cent cinquante ans se passent : Auguste a sagement limité son empire. Ses successeurs se sont contentés de posséder la Syrie et l’Arménie. Entre les Romains et les Parthes il n’y a plus de sujets de querelles. Le discrédit où est tombé à Rome le pouvoir central finit cependant par rejaillir peu à peu sur les provinces. Les Parthes sont les premiers à violer la trêve. « Néron régnant, nous assure un écrivain du IVe siècle de notre ère, Sextus Rufus, contemporain d’Eutrope, les Parthes firent passer sous le joug deux légions romaines. » L’outrage ne devait être vengé que par Trajan. L’empereur que l’Espagne avait donné à l’Italie et au