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de juillet 1841, un voyageur français, le peintre Flandin, cheminait dans les plaines immenses qui vont, s’abaissant toujours, jusqu’au Golfe-Persique. « Un horizon sans bornes, écrit-il, miroitait incertain et tremblant sous les rayons d’un soleil de feu. Nous reposant le jour, nous attendions que le soleil fût couché pour reprendre notre marche dans les ténèbres. » Les marches de nuit sont permises à des caravanes ; elles ne sont que trop souvent interdites à des armées. Cependant, comment affronter autrement les violences d’un climat si justement redouté des Européens ?

On a pourtant fait la guerre en Chaldée et en Mésopotamie : on pourra la faire encore. Seulement il sera prudent de se munir, comme voulaient le faire l’empereur Napoléon et l’empereur Julien, « d’une grande quantité de chevaux et de mulets, ainsi que de navires qui puissent transporter sur l’Euphrate le froment, le biscuit et le vinaigre[1]. « Il ne sera pas non plus inutile « d’inviter les tribus sarrasines à se joindre à l’armée et de prévenir, autant que possible, les délits militaires par une ordonnance à la fois douce et efficace[2]. »

« Comme ces pays, faisait remarquer avec juste raison un écrivain anglais, n’ont pas été modifiés par l’action d’une civilisation puissante, leurs facilités, ainsi que leurs obstacles naturels, sont restées les mêmes. Il en résulte que les années qui les traverseront devront s’avancer par les mêmes routes et combattre à peu près sur les mêmes champs de bataille. »

Les opérations des années romaines nous montrent, en effet, que le pays, bien que ruiné aujourd’hui par les Persans, par les Arabes et par les Turcs, qui l’ont foulé dans tous les sens, n’a guère changé depuis le temps de Crassus, de Trajan et de Julien. D’opulentes cités, il est vrai, ont disparu ; mais, dès qu’on sortait de ces cités, on rencontrait le désert et des difficultés de ravitaillement suffisantes pour expliquer les défaites des premiers soldats du monde.

Ce fut en l’année 190 avant notre ère que les Romains se décidèrent à passer en Asie. Dès le premier jour, il fut établi jusqu’à l’évidence que les armées asiatiques étaient hors d’état de leur tenir tête. La conquête ne serait retardée que par les embarras des transports. C’est ce que nos troupes ont rencontré en Algérie et au Mexique. De l’année 120 à l’année 63 avant Jésus-Christ, Mithridate joua, entre la mer Caspienne et le Pont-Euxin, le rôle d’Abd-el-Kader. Il trouva dans Lucullus, en 74, son

  1. Lettre de l’empereur Julien à Libanius.
  2. Ibid.