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détendue par ce changement, elle serait toujours délicate par ce seul fait que le nouveau ministère aurait ou à subir la protection un peu lourde de M. Tisza ou à compter avec son opposition. Est-ce dès lors un dénoûment ou ne serait-ce que le prélude de crises nouvelles qui pourraient n’être pas sans influence sur la politique générale de l’empire ?

Depuis que le parlement d’Angleterre est réuni, il y a déjà un mois, il n’a point eu précisément de ces débats exceptionnels qui décident des grandes affaires, quelquefois du sort d’un ministère ; il n’a pas moins eu et il a encore chaque jour ses discussions animées, et même ses scènes violentes. On aurait beau s’en défendre et vouloir se soustraire à l’éternelle et irritante obsession, c’est l’Irlande qui, à travers tout, a toujours la première place dans les luttes des partis anglais. Elle a fait sa réapparition, cette terrible et insoluble question, dès l’ouverture du parlement, à l’occasion de l’adresse. M. Parnell, celui qu’on appelle le « roi non couronné » de l’Irlande, a le premier ouvert le feu contre la politique du ministère, et naturellement il en a été pour ses frais d’éloquence auprès d’une majorité qui jusqu’ici n’a jamais manqué au gouvernement ; mais à peine la question a-t-elle été écartée dans le débat de l’adresse, qu’elle a reparu sous une autre forme, dans une discussion épisodique, qui a ravivé toutes les passions et ramené tous les chefs de partis au combat. On n’a peut-être pas oublié cette étrange campagne engagée l’an dernier dans le Times contre M. Parnell et ses amis, contre tous les home-rulers qui se trouvaient représentés comme les complices des meurtres, des crimes de toute sorte commis il y a quelques années en Irlande. C’était un procès complet, perfidement instruit, appuyé de preuves spécieuses, de révélations compromettantes, de correspondances secrètes qu’on attribuait à M. Parnell ou à ses amis et qui ressemblaient à un aveu de complicité. Jusqu’à quel point le gouvernement avait-il été mêlé par sa police, par ses communications, à la campagne accusatrice du journal anglais, on ne le savait pas, et c’était une complication de plus. Toujours est-il que l’affaire avait eu un tel retentissement jusque dans la chambre des communes qu’on ne pouvait plus la dédaigner, que les députés irlandais, eux-mêmes ne voulaient pas rester sous le coup des violentes incriminations dont ils étaient l’objet. On nommait alors une commission d’enquête composée de trois juges et chargée de rechercher la vérité. Cette commission, elle a fait son œuvre laborieuse et délicate, non sans peine, au milieu de toutes les contradictions et de péripéties souvent dramatiques. Elle a impartialement reconnu que dans tout ce qu’avait dit le Times, il y avait beaucoup d’accusations suspectes, des témoignages douteux, des lettres fabriquées ou supposées, que M. Parnell et ses collègues n’étaient ni des meurtriers, ni des complices de meurtre ; elle a en même temps admis que les députés irlandais