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et de réclamations. L’ambassadeur du roi d’Angleterre avait fait imprimer des bibles à Paris par la raison que les impressions y étaient plus belles et le nombre des imprimeurs plus grand qu’ailleurs ; elles étaient l’œuvre de Robert Etienne, qui les avait fait payer 3,600 livres tournois, et elles étaient destinées à être distribuées gratuitement ; l’œuvre de la propagande des livres, aujourd’hui si active, n’avait pas tardé à naître et à se développer. Le gouvernement français arrêta l’expédition des bibles ; l’ambassadeur les réclama ; le lord du sceau privé intervint pour appuyer son agent. Castillon répondit, soutenu par le connétable, que ces bibles avaient été examinées par les docteurs de la faculté de théologie et reconnues contenir des choses falsifiées et controuvées, qu’elles ne pouvaient être délivrées, car on ne voulait pas permettre de laisser imprimer des erreurs en France afin de ne pas donner, par cette permission, autorité aux mauvaises doctrines. La réclamation fut renouvelée et la réponse maintenue avec fermeté, et avec d’autant plus de raison que, de son côté, Henri faisait imprimer une bible officielle et défendait l’importation, la vente et même la possession de tous livres religieux non autorisés.

Battu du côté de ses bibles, le ministre anglais demande que l’on ne tienne pas en France des propos diffamatoires contre le roi son maître, que l’on accuse d’hérésie et d’inhumanité. Cette prétention de la part du ministre du roi qui avait fait rendre le statut de sang était étrange : aussi Castillon répond qu’en France le peuple a plus de liberté de langage qu’en Angleterre et qu’il est malaisé de l’empêcher de parler, que le roi souffre qu’on parle de lui ; que le peuple anglais et le peuple français ne s’aimaient guère. Le ministre reconnaît qu’on parle plus librement en France qu’en Angleterre, son ambassadeur le lui a écrit ; mais il demande que le roi très chrétien, pour être agréable à son bon frère, veuille bien empêcher le plus possible ces propos qui mécontentent fort les Anglais. Cet ambassadeur, qui reconnaissait que l’on parle plus librement en France qu’en Angleterre, demandait des poursuites contre certains prédicateurs qui en chaire avaient attaqué le roi son maître ; il voulait faire punir tous les religieux du couvent des Cordeliers de Rouen parce qu’un prédicateur de cet ordre avait parlé contre Henri VIII. On lui répondait que deux cordeliers avaient été mis en prison au pain et à l’eau, mais que pour un frère on ne pouvait pas punir tout un couvent, qu’en chaire le prédicateur a la langue déliée et que ses frères n’en peuvent mais de ce qu’il dit. Il se plaignait aussi de paroles malsonnantes prononcées par l’évêque de Limoges, quoique celui-ci démontrât qu’on l’avait mal compris ; il accusait enfin le fameux prédicateur de Cornibus, mentionné