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changé. Ce qui aussi reste bien vrai, c’est cette réflexion d’un auteur de cette époque, qu’en France, une fois qu’un impôt était établi, on ne le retirait plus.

Castillon, quoique ayant trouvé à la cour de Londres une situation peu favorable à son maître, avait su se ménager les bonnes grâces d’Henri. Ce roi aimait à « deviser privément » avec lui ; il le faisait venir dans son palais, se promenait avec lui dans sa grande galerie, « le patelinait » et l’entretenait longuement, espérant l’amener vers ses intérêts. La conclusion de la paix qui était remise au pape le préoccupait, il aurait voulu être le médiateur entre le roi très chrétien et l’empereur. Puis il revenait à parler de Mme de Longueville, s’émerveillant qu’on la lui refusât pour la donner à son ennemi. Sur la réponse de Castillon qu’elle était déjà promise avant que la feue reine d’Angleterre fût morte, il fait observer qu’on pourrait bien répondre au roi d’Ecosse que, si la dame ne le veut, on ne peut pas la contraindre, « car mariages doivent être libres. » Il énumère ensuite ceux qu’on lui présente en beaucoup de lieux, en Portugal avec la fille du roi, en Italie avec la duchesse de Milan, nièce de l’empereur. Il dit qu’il avait cherché à entretenir la paix avec le roi de France plus qu’avec tout autre prince au monde, qu’il a voulu prendre femme en France, mais qu’on lui a toujours préféré le pape et le roi d’Ecosse. Castillon répond : « Pour le pape, la raison le veut ; et quant au roi d’Ecosse, Mme de Longueville lui était promise avant la mort de la feue reine, votre femme. C’est bien se mettre à la raison que de vouloir bailler pour une le choix de cent mille. — Oui, reprend le roi, mais celle-là est d’une si gente race qu’on n’en trouve pas toujours de telle. — Pour elle, repartit Castillon, il n’en faut plus parler, elle est despêchée ; mais si vous en estimez tant la race, elle a une sœur aussi belle qu’elle, d’aussi belle taille, sage et autant pour vous complaire et obéir en toutes choses que nulle autre que vous sauriez choisir ; prenez-la, elle est jeune fille, et vous aurez cet avantage que vous la dresserez à votre humeur et à votre mode. » Cette réponse produisit un bon effet sur Henri ; frappant l’ambassadeur sur l’épaule, « il lui donne congé de bon visage et lui faisant grande chère. »

Quoique habitué à voir tout céder à ses volontés, Henri dut renoncer, — et il en éprouva un sentiment de regret, — à épouser Mme de Longueville. Le refus qu’il éprouva le mécontenta ; il chercha, par ses ambassadeurs, à empêcher la conclusion de la paix, tandis que lui-même redoublait d’attentions envers Castillon pour mieux lui donner le change et parvenir à ses fins. Il s’entretenait avec lui, dans sa galerie, pendant de longues heures ; et, quoiqu’il n’aimât pas à donner, il lui envoyait des présens : tantôt un cerf,