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le rompre, d’autant qu’il ne voudrait pas altérer l’amitié d’un ferme ami, tel que celui-là qu’il estime comme son propre fils ; François Ier avait de bonnes raisons pour parler ainsi. Se conformant aux vieilles traditions de fidélité de l’Ecosse pour l’alliance française, a l’exemple que lui avait donné son père tué pour elle à la bataille de Flodden, Jacques V, alors âgé de vingt-cinq ans, avait amené au roi très chrétien un secours lorsque Charles-Quint descendit en Provence et « muguetta en vain » la ville d’Arles ; Ce service lui avait valu la main de la princesse Madeleine, en place de Mlle de Vendôme, d’abord sa fiancée et qu’il n’avait pas consenti à épouser ; mais il était resté veuf après six mois d’union. Toujours fidèle à l’alliance de la France, il cherchait encore à contracter un mariage dans ce pays, et le roi, après sa fille, lui donnait sa cousine et la dotait, récompensant ainsi son allié et les Guise, qui venaient de repousser l’armée impériale devant Péronne. Déjà Henri avait été fort irrité du mariage de Jacques avec la princesse Madeleine, qui resserrait l’alliance de la France et de l’Ecosse, et il avait fort mal accueilli l’ambassadeur Lapommeraie envoyé pour lui apporter cette nouvelle. Ce second mariage allait l’irriter encore davantage parce que son neveu lui enlevait une princesse, objet de ses désirs, et que l’alliance de la France et de l’Ecosse allait être encore plus intime.

Pendant que Briant se rendait vers le roi de France qui visitait la Provence et le Dauphiné en se dirigeant vers le rendez-vous de Nice, que le gentilhomme Méotis était envoyé une seconde fois vers Mme de Longueville, Castillon voulut mettre à profit les dispositions dans lesquelles la négociation matrimoniale maintenait Henri VIII pour l’entretenir du concile ; mais le roi comme à son ordinaire était très hostile à ce projet et disposé à empêcher cette assemblée d’avoir un caractère général ; il menaçait de s’allier avec les ducs et les grands seigneurs d’Allemagne, avec la Suisse et le Portugal. Castillon lui fait observer que parmi tous ces gens il ne voit qu’une bourse, et que s’il faut agir ce sera à ses dépens, car on entend bien dire que « les Allemands prennent volontiers, mais d’en bailler on ne l’entend jamais. » Les seigneurs allemands passaient alors pour être pauvres et avares, ce qui tenait à ce que leur pays se trouvait en retard sur les nations plus occidentales qui par leur activité commerciale attiraient l’or du Nouveau-Monde ; aussi étaient-ils obligés de se mettre à la solde des souverains plus riches du continent. Ils allaient servir en France, en Italie, partout où on se battait et où on les payait ; ils vendaient leurs services au comptant, se mutinaient et se retiraient si le paiement de la solde était, en retard. M. d’Humières, lieutenant-général pour le roi en Piémont,