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quatre-vingt-deux ans et un grand nombre d’autres de ses sujets restés attachés à la suprématie du pape.

Henri, âgé en ce moment d’environ quarante-six ans, était grand et gros ; le beau type de la race anglo-saxonne s’était épaissi. Son portrait, peint vers cette époque par Hans Holbein, donne l’idée d’un homme de haute stature chez lequel les appétits grossiers se sont développés ; sa belle tête césarienne s’était alourdie ; ses goûts qui allaient en augmentant avec l’âge avaient apporté dans sa santé des désordres que Castillon raconte en ces termes : « Ce roi a fait estouper une des fistules de ses jambes et depuis dix ou douze jours, les humeurs qui n’ont point de vidange, l’ont cuydé estouffer, tellement qu’il a été quelque temps sans parler, le visage tout noir et en grand danger. » Ce que Castillon appelle une fistule était un ulcère à la cuisse qui résista à tous les efforts de la médecine et occasionna la mort du roi quelques années plus tard. François Ier, qui le suivit de près, mourut aussi d’un ulcère, placé, d’après l’expression de l’ambassadeur italien, inter anum et nates. La science ne guérissait pas encore ces maux-là.

La princesse française, recherchée par Henri, était Marie de Lorraine, duchesse de Longueville, fille aînée des douze enfans de Claude de Guise et d’Antoinette de Bourbon. Elle avait été mariée, en 1534, à Louis d’Orléans, duc de Longueville, qui fut tué à la tête de sa compagnie comme presque tous les membres de cette race « sur laquelle Dunois jeta une telle semence de générosité qu’elle s’en est toujours ressentie, » dit Brantôme. Marie de Lorraine avait alors vingt-deux ans ; elle était d’une taille élevée ; elle avait le grand air qui distinguait les deux races dont elle était issue ; elle possédait aussi plusieurs des qualités éminentes de ces familles qui ont donné à la France tant d’hommes remarquables, mais qui, malheureusement, devinrent bientôt rivales et ennemies à ce point que Louis de Condé disait : « Si les Guise s’avisaient de se faire huguenots, le lendemain je me ferais catholique. » François Ier affectionnait cette princesse, quoiqu’il n’aimât pas, à cause de leur ambition, les princes de Lorraine qu’il jugeait capables de mettre « les enfans royaux en pourpoint et tous les sujets en chemise ; » il l’avait mariée au duc de Longueville et l’avait dotée. Après la mort de ce dernier, il chercha encore un mari pour cette princesse restée veuve dans tout l’éclat de la beauté et de la séduction, et il voulut la marier comme sa fille.

Henri VIII, veuf de sa troisième femme, était à la recherche d’une quatrième. S’il avait poursuivi de sa haine implacable Anne Bôleyn, qu’il fit décapiter par le bourreau de Calais, réputé le plus