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désigner comme les candidats du clergé, viennent, une fois à la chambre, proclamer l’omnipotence électorale du clergé. C’est une comédie que, au Palais-Bourbon, applaudit toujours le parterre.

Prenez les votes de la nouvelle chambre, déduisez les voix de la minorité, vous trouverez que la majorité de la majorité a voté toutes les invalidations réclamées par la passion anticléricale. « Pour moi, disait dans les couloirs un nouveau député, je ne connais qu’une règle : avons-nous des chances de faire passer un des nôtres, j’invalide. » C’est ainsi qu’a généralement procédé la chambre. Pour elle, selon le mot d’un républicain, la politique prime le droit. Elle l’a bien montré aux députés boulangistes. La moitié ont été renvoyés devant leurs électeurs, non pour ce qu’ils avaient fait, mais, comme le leur a signifié M. Madier de Montjau, pour ce qu’ils avaient approuvé.

Si quelqu’un, aux débuts de la législature, a montré de l’esprit d’apaisement, c’est la droite. Elle a en quelque sorte fait la morte, par politique, sentant qu’elle n’avait rien à espérer de la justice de ses adversaires, et appréhendant d’exaspérer leur intolérance. Peut-être l’opposition eût-elle été mieux inspirée en bravant les colères de la majorité, au risque d’en être punie à coups d’invalidations. Il y a, sur les bancs de la gauche, une centaine de députés élus avec moins de 500 voix de majorité ; ceux-là doivent visiblement leur siège aux manœuvres administratives. Les victimes de la candidature officielle comptaient voir leurs doléances portées à la tribune. La droite avait reçu, de tous les coins de la France, des dossiers tristement instructifs. Il est regrettable, pour la moralité du suffrage universel, qu’elle ne les ait pas ouverts au public. Ce n’est point qu’il y eût quelque chance de faire rougir la majorité : en matière électorale elle a peu de vergogne. Tout est pur pour les purs. On l’a bien vu par l’élection de Lodève. Jamais majorité n’avait montré aux siens si maternelle indulgence. Le député proclamé confessait qu’il n’était pas élu ; le bureau avait reconnu qu’il n’avait dû de siéger qu’à des fraudes et à des faux, dont les bulletins portaient encore la trace. Qu’a fait la chambre ? Au lieu d’invalider M. Mesnard-Dorian, comme un simple conservateur, la majorité s’est scandalisée de ce qu’on pût soupçonner des républicains de fraudes électorales. M. Constans est venu affirmer l’innocence des fonctionnaires qui ont ingénument transmis les bulletins falsifiés. Le rapporteur, fort de son honnêteté, a eu beau démontrer par le menu les falsifications, M. Pelletan lui a fait comprendre qu’un vrai républicain ne se chargeait pas de relever les petites erreurs qui profitent à des amis. Le gouvernement avait laissé la justice inactive, il est désarmé contre les falsificateurs du scrutin ; la