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auxquelles s’est promptement affiliée la faculté de Toulouse ; sont venues ensuite la Bibliothèque de la Faculté des lettres de Lyon, qui vient de s’élargir et de s’étendre à toutes les facultés du groupe lyonnais ; les Annales de l’Est, à Nancy ; celles de Bretagne, à Rennes ; les Annales de la faculté des sciences de Toulouse, et d’autres encore, à Caen, à Poitiers, à Clermont, à Grenoble.

Un des fruits les meilleurs de cette action scientifique des facultés sera l’organisation du travail. Pour certaines œuvres, pour celles qui relèvent du génie, elle n’est pas nécessaire. Un mathématicien inspiré trouvera toujours des vérités nouvelles, fût-il le seul mathématicien au monde. Mais là où la science est le fruit de longues investigations, de recherches étendues, un homme, eût-il le génie, ne peut suffire à la tâche. Il faut que les matériaux soient préparés, appareillés chacun en son lieu, chacun en son temps, pour que de leur réunion sorte plus tard l’édifice. Jusqu’ici cette organisation, cette distribution du travail nous avait fait défaut. Chacun travaillait, pour son compte, à sa guise, sans souci du travail des autres et des œuvres d’ensemble. Maintenant les travailleurs d’un même ordre commencent à s’affilier et à coordonner leurs travaux. Il y a juste huit ans, en ouvrant son cours d’histoire à la Sorbonne, M. Lavisse traçait, comme une espérance, un plan d’organisation du travail pour les historiens de la France. « Cette organisation du travail, disait-il, se fera sans contrarier les goûts, ni gêner la liberté de personne. Les uns, se plaisant aux grandes questions générales, étudieront une période de l’histoire de la royauté française ; les juristes, les difficiles questions de l’état des choses et des personnes aux différens momens de notre histoire. Rennes, Toulouse, Montpellier, Dijon, Lyon, Bordeaux, toutes nos vieilles capitales où siègent aujourd’hui nos facultés, rajeuniront et compléteront nos annales provinciales ; nous aurons des histoires d’institutions, de personnages, de villes ; et ainsi par l’usage des documens connus et des travaux déjà faits, ce qui méritera de revivre revivra, ce qui n’est pas impénétrable sera pénétré. Chacun de nous sera fortifié en pensant qu’il fait partie d’une légion. » La légion s’est formée ; elle a pris pour chef celui qui tenait ce langage, et elle se dispose, de toutes les facultés de France, à publier, sous sa direction, cette histoire de France complètement informée qui nous manquait encore. A côté de la légion des historiens, il s’en est formé, il s’en formera d’autres. Nous avons déjà celle des romanistes ; nous avons celle des celtisans ; nous en aurons pour les diverses périodes de notre littérature nationale, et bien des lacunes seront ainsi comblées dans l’érudition française.