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avait fait le plus défaut, ce n’étaient pas les grands talens, mais cette masse de travailleurs de second rang qui extrait tout le contenu des grandes découvertes, ou qui les prépare par des contributions patientes et utiles ; c’était aussi le travail collectif, d’abord des maîtres entre eux, puis des maîtres et des élèves. Les choses ont changé de face.

Apres la guerre de 1870, la science française, elle aussi, s’est recueillie et a fait son examen de conscience. Elle a dû reconnaître qu’en dehors des grandes initiations, comme celle de Lavoisier, de Champollion, d’Abel Rémusat, de Burnouf, d’Ampère, de Claude Bernard, pour ne parler que des morts, elle avait souvent péché par légèreté, par ignorance, par dédain des longs et patiens travaux, et sans perdre aucune de ses qualités antérieures, qui sont des qualités de race, elle en a pris de nouvelles, de celles qu’on se donne par la volonté et par l’effort, et qui sont en partie des vertus. Elle aussi, elle a compris la nécessité de se refaire et de s’agrandir, et elle s’est refaite et agrandie. Lors de l’Exposition de 1867, M. Duruy avait fait dresser, par les hommes les plus compétens, le tableau du progrès des sciences et des lettres, dans notre pays, depuis le commencement du siècle. Je regrette qu’à l’occasion du centenaire on n’ait pas prolongé ce tableau jusqu’à nos jours. On aurait vu quelle a été depuis vingt ans, dans tous les ordres de recherches, histoire[1], érudition, archéologie, études orientales, philologie ancienne et moderne, sciences mathématiques, sciences physico-chimiques, sciences biologiques, la contribution de la France à l’accroissement des sciences. Au milieu des merveilles du Champ de Mars, c’eût été pour notre pays un titre d’honneur de premier ordre. On peut le croire à l’estime que l’Europe savante témoigne aujourd’hui pour les travaux de la science française.

Dans ce mouvement, dans ce progrès, une grande part revient aux facultés. Nous avons aujourd’hui à la Sorbonne la première école mathématique du monde ; nous y avons aussi des écoles de naturalistes, de physiciens et de chimistes qui nous font grand honneur ; il s’y forme une école d’historiens dont nous ne tarderons pas à voir la fécondité et la portée. De Paris, les bonnes méthodes se sont propagées partout, et partout maîtres et élèves rivalisent d’ardeur pour la science. Partout, outre des travaux individuels souvent considérables et marquans, naissent des publications collectives qui attestent la vie des facultés. La faculté des lettres de Bordeaux a commencé, il y a douze ans, avec ses Annales,

  1. Voir dans la Revue internationale de l’enseignement du 15 décembre dernier l’article de M. G. Monod sur les Études historiques en France.