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déterminé avec précision ces caractères particuliers, qui, sur le fond du vieux style grec archaïque, accusent la physionomie de chaque école ; on reconnaît aujourd’hui qu’à cette date, l’art grec n’est pas partout semblable à lui-même, qu’il a ses provinces et comme ses dialectes. La conséquence forcée de cette sorte d’immigration des artistes étrangers à Athènes, c’est que l’école attique, au temps des Pisistratides, revêt un caractère un peu composite. Si des affinités naturelles l’attirent vers l’art délicat et nerveux des îles, vers les écoles de Chio et de Naxos, elle subit encore d’autres influences ; elle emprunte quelque chose au style brillant et riche des Ioniens d’Asie-Mineure, à la facture précise des maîtres de Sicyone et des Eginètes, leurs élèves. Toutes ces qualités différentes se fondent et s’amalgament chez les maîtres attiques, et lorsque l’atticisme prend conscience de lui-même, il inaugure cette tradition d’art si personnelle et si originale qui se perpétue à travers les siècles avec des maîtres tels que Calamis et Praxitèle.

Les fouilles d’Athènes ont montré jusqu’à l’évidence quelle part revient aux écoles étrangères dans l’éducation du génie attique ; les monumens réunis dans le nouveau musée de l’Acropole en sont le vivant témoignage. S’ils déroutent nos idées au premier abord, on reconnaît bien vite qu’ils se classent suivant les écoles dont ils dérivent. Sans les décrire en détail et sans risquer de lasser l’attention du lecteur par des analyses trop minutieuses, nous choisirons quelques types bien caractérisés qui feront comprendre sous quelles influences combinées l’école attique se forme et se développe dans la seconde moitié du vie siècle.

La côte ionienne d’Asie-Mineure est une des régions où la sculpture grecque jette son premier éclat. Éphèse est le centre de grands travaux, auxquels collaborent les artistes de Samos ; il suffit de rappeler la construction de l’Artémision et la part qu’y prennent deux maîtres samiens, Rhoecos et Théodoros. Cette école ionienne a laissé des traces sur plusieurs points de l’Asie-Mineure ; on en voit les débuts avec les statues de la voie des Branchides, avec d’autres marbres trouvés à Hiéronda, près de Didymes, et ces débris nous renseignent sur le style qui prévaut dans la Grèce asiatique. Des formes rondes et un peu molles, un grand sentiment décoratif, une certaine tendance à se contenter d’à-peu-près, enfin, un goût décidé pour les figures drapées, voilà ce qui caractérise ce style ionien primitif. Le musée du Louvre en possède un spécimen remarquable : nous voulons parler de la curieuse statue rapportée de Samos par M. Paul Girard. Les visiteurs qui fréquentent notre galerie de sculptures antiques connaissent à coup sûr cette statue de femme drapée, dont la partie inférieure, recouverte