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Le plan de M. Cavvadias n’est cependant pas encore entièrement exécuté. L’éphore général prétend dégager la citadelle de toutes les ruines turques, byzantines ou romaines qui cachent çà et là les murs helléniques et faire reparaître, dans toute leur pureté, les contours du rocher sacré. Ces projets n’ont pas été sans provoquer à Athènes une vive émotion. Dans le monde lettré, l’opinion s’est partagée en deux camps : les partisans fervens et exclusifs de l’antiquité classique, et ceux pour qui les souvenirs de l’histoire moderne sont également respectables ; nous ne parlons pas des indifférens, qui ne connaissent l’Acropole que de loin. Il y a plusieurs mois, un journal d’Athènes publiait un article intitulé : « Sauvez l’Acropole ! » A l’en croire, elle n’était pas moins menacée qu’au temps de Xerxès ; des barbares contemporains allaient la mutiler et effacer les plus glorieux souvenirs de la guerre de l’indépendance. En réalité, c’est une question de mesure dans l’application du programme de M. Cavvadias. Personne ne regrettera la démolition de quelques pans de mur d’appareil byzantin ; mais donner à l’Acropole l’aspect d’une ruine neuve, soigneusement nettoyée, serait une grave faute de goût. C’est déjà trop qu’on l’ait flanquée de disgracieux terrassemens, pour épargner aux touristes quelques minutes de marche.


II

Si l’on veut apprécier les résultats des fouilles au point de vue historique, il faut faire table rase des monumens élevés au cours du ve siècle siècle, supprimer le Parthénon par la pensée, oublier Périclès, Ictinos et Phidias, et se reporter à la veille des guerres médiques, au moment où la citadelle d’Athènes, embellie par Pisistrate et par ses fils, offrait un tableau fidèle de l’art du vie siècle siècle. Ce n’est pas la seule violence que nous devions faire à nos souvenirs. Le plateau allongé qui couronne le rocher n’avait ni la même forme, ni le même aspect qu’aujourd’hui ; il présentait d’étranges irrégularités. On a pu le comparer à une sorte de dos d’âne dont l’arête aurait couru suivant l’axe le plus long. Du côté sud, là où s’élève aujourd’hui le Parthénon, le sol se dérobait brusquement et une dépression profonde diminuait la largeur du plateau. Au nord, la pente était moins abrupte. Il avait suffi d’y jeter trois mètres de remblais environ pour obtenir une plate-forme, où se dressaient les sanctuaires les plus vénérés de l’ancienne Athènes, ceux qui abritaient le trou du trident de Poséidon et l’olivier sacré d’Athéna. C’est là que Pisistrate construisit ou agrandit le temple dont les ruines ont été récemment découvertes.

L’édifice, entouré d’une colonnade dorique, avec six colonnes à