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de même que la mort de notre ambassadeur à Rome, M. Mariani, a paru réveiller des sympathies au-delà des Alpes. Il est certain que les Italiens ont tenu à prouver par leurs démonstrations qu’ils n’étaient pas insensibles à la fin prématurée d’un diplomate de conciliation, et qu’ils ont mis une sorte d’empressement à rendre tous les honneurs au représentant de la France. Il n’y a sans doute rien à exagérer. Ce n’est pas moins un fait caractéristique à signaler que ces deux morts inattendues du prince italien et de l’ambassadeur français soient devenues l’occasion de témoignages de sympathie échangés entre les gouvernemens.

C’est certes un événement heureux de toute façon, que l’Espagne, pour sa part, ait échappé à la crise bien autrement grave dont elle a été un instant menacée par la maladie de son jeune roi. Peu s’en est fallu qu’elle ne vît se rouvrir par la mort de cet enfant couronné, des perspectives assurément redoutables pour son repos, pour sa sécurité, pour tous ses intérêts. Le péril semble heureusement conjuré aujourd’hui. Le mal a été vaincu. Alphonse XIII revient par degrés à la santé, — et chose significative pour l’étiquette, les médecins ne publient plus de bulletin ! Tout est pour le mieux ; mais si on n’est plus sous le coup de cette menaçante éventualité d’un changement de règne, on se retrouve au milieu de toutes les péripéties de la crise ministérielle et parlementaire que la maladie du jeune roi avait interrompue, et c’est ici que les difficultés recommencent ; c’est ici que la régente Marie-Christine, à peine délivrée de ses poignantes anxiétés de mère, s’est vue de nouveau rejetée dans tous les embarras de la formation d’un ministère. On a fini par en sortir tant bien que mal ; ce n’est pas sans peine, et encore en est-on revenu, pour tout dénoûment, à peu près au point d’où l’on était parti il y a plus de trois semaines.

Au moment où la maladie du jeune roi est devenue assez grave pour inspirer les plus vives inquiétudes, on était déjà en pleine crise ministérielle à Madrid. M. Sagasta venait d’échouer dans ses tentatives pour reconstituer son cabinet par le rapprochement des dissidens libéraux, et en présence de l’aggravation de l’état du jeune prince, il ne gardait le pouvoir que par nécessité, pour faire face aux circonstances. La situation restait provisoire. Dès que les inquiétudes se sont à demi dissipées, on ne pouvait plus ajourner la situation. Il fallait un ministère ! La régente, ramenée par la nécessité aux affaires de l’État, s’est adressée à ses meilleurs conseillers ; elle a appelé auprès d’elle le général Martinez Campos, qui, par ses services, par son autorité militaire, par sa position indépendante entre les libéraux et les conservateurs, est un des hommes qui ont le plus de crédit et d’influence. Le général Martinez Campos, à dire vrai, n’a pas simplifié les choses par son intervention et par son langage. Il paraît s’être exprimé assez