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dans le commerce d’importation pour 54 pour 100, les États-Unis pour 8 pour 100, un peu moins que la Belgique.

Quel avantage trouverait la République Argentine à se fermer le marché financier de l’Europe, qui soutient son crédit et l’aide à porter le poids énorme, vu sa population, d’une dette de 2 milliards 1/2 ? Certes, les capitaux abondent aux États-Unis, mais ils sont plus exigeans qu’en Europe ; et, si riche que puisse être l’Union américaine, elle ne l’est pas encore assez pour absorber les émissions multiples et répétées d’états nouveaux, impatiens d’étendre le réseau de leurs voies ferrées, de compléter leur outillage agricole et industriel, de mettre leur sol en rapport. Producteurs de matières premières, les États de l’Amérique méridionale exportent, bon an mal an, un peu plus de 3 milliards de coton, sucre, café, bois, peaux, métaux précieux, etc. L’Europe leur en prend la presque totalité, les États-Unis pour 200 millions seulement. C’est que les États-Unis sont producteurs et vendeurs, eux aussi, de la plupart de ces produits et n’ont que faire de s’en encombrer. Ce qu’ils veulent et ce qu’ils cherchent, c’est moins acheter que vendre. Le mécanisme des lois commerciales fait de l’Europe, principal marché sur lequel s’écoulent les matières premières de l’Amérique méridionale, le marché naturel qui lui fournit, en échange, les articles qu’elle ne fabrique pas. Aussi retrouve-t-on la même proportion dans les achats que dans les ventes. Sur les 2 milliards 1/2 de produits manufacturés qu’absorbe actuellement l’Amérique méridionale, 89 pour 100 viennent d’Europe, 11 pour 100 seulement des États-Unis.

C’est à renverser complètement les termes de cette proposition mathématique que tendent les efforts de M. Blaine. Il fait miroiter aux yeux des capitalistes et manufacturiers américains l’espoir de monopoliser ce trafic, d’ouvrir aux produits manufacturés des États-Unis un débouché annuel de 2 milliards ; pour cela, — fermer ce marché à l’Europe au moyen de droits élevés sur les produits européens, de libre entrée des produits américains, résultat de traités de réciprocité entre tous les états du continent. Mais tous les traités du monde ne modifieront pas les facteurs du problème. Ils ne feront pas que le Brésil, producteur de coton, de sucre, de cuir et de tabac, trouve acquéreur aux États-Unis, non plus que le Chili y écoule son cuivre et ses céréales, l’Uruguay ses cuirs, le Mexique ses sucres. C’est en numéraire que devra se régler l’inévitable différence qui résultera, pour eux, de transactions avec un grand pays manufacturier, exportateur et vendeur, mais non acheteur de matières premières dont il est lui-même producteur.

« Si les manufacturiers des États-Unis veulent vendre leurs