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serait mieux dans nos mains. Voilà bien des raisons en faveur d’une annexion. »

Et des raisons analogues militent, à ses yeux, en faveur de l’annexion des îles Sandwich, gravitant dans l’orbite des États-Unis, colonisées et exploitées par les Américains, enrichies par eux et les enrichissant. Pour prix du renouvellement du traité de commerce, il réclame du gouvernement havaïen des concessions, lesquelles, jointes à la mainmise sur Pearl River, convertie en dépôt naval, mainmise consentie en vue même du traité, ne laisseraient plus subsister qu’une souveraineté nominale, passée de fait aux États-Unis[1].

A l’intérieur, même expansion, même appétit de terres nouvelles. Parqués dans leur réserve sur les bords du Missouri, les Sioux y occupent un territoire aussi vaste que l’Indiana : plus de 5 millions d’hectares que convoitent les settlers. M. Blaine négocie, par l’intermédiaire du général Crook, avec les Sioux, la cession de ce vaste domaine, l’obtient de leur chef Gall au prix de 70 millions de francs qu’ils acceptent contraints et forcés, sachant bien qu’avant peu il ne leur restera rien de ces millions, qui, d’eux-mêmes, rentreront dans les poches des blancs, marchands d’eau-de-vie : « Les Indiens ont vécu, disait, en apprenant la conclusion du traité, Sitting-Bull, le seul de leurs chefs qui résistât encore ; les Hunk-Papas sous mes ordres sont tout ce qu’il en reste. Les autres sont morts et ceux qui ont accepté l’or américain sont des squaws et non des hommes. La meute des blancs aboie sur leurs frontières ; elle n’attend qu’un signal pour se ruer sur leurs terres et les en chasser. »

« L’Amérique aux Américains. » Le sol au colon citoyen, à l’émigrant naturalisé. Le Canada : terre américaine, qu’un lien nominal rattache à l’Angleterre, mais qui, tôt ou tard, et plus tôt que plus tard, doit entrer, état indépendant ou territoire annexe des États-Unis, dans la fédération des trois Amériques. Terre-Neuve et ses pêcheries, la baie d’Hudson et celle de Baffin : terres et mers américaines. Terres américaines aussi : Cuba, Haïti et les Sandwich, clés du Pacifique et du golfe du Mexique. Des rives glacées de la mer de Lincoln au Cap-Horn, « l’Amérique aux Américains ! »

Puis, sur ce continent où l’Europe n’aurait plus pied ni accès, inaugurer une politique de paix et de concorde ; par l’arbitrage conjurer les guerres ; par l’unification des poids et mesures, par l’adoption d’une monnaie ayant cours légal dans tous les États, abaisser les barrières qui entravent les échanges ; par la formation d’une union douanière et l’établissement d’un tarif commun régir

  1. Voyez la Hawaiian Gazette du 5 octobre 1889.