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de succès, la place de secrétaire d’état ? Cette dernière version est la seule qu’admettent les partisans de M. Blaine et que n’aient pas contredite les amis de M. Harrison.

Quoi qu’il en soit, la convention républicaine se réunit à Chicago et, dès le début, les voix se répartirent entre MM. Blaine, Sherman, Alger, Gresham, Harrison et Mac-Kinley. Cinq votes successifs laissèrent intacte cette situation en apparence inextricable et que M. Blaine, revenu en Angleterre pour être plus à portée des événemens, et tenu au courant par les dépêches télégraphiques, se plaisait à prolonger pour mieux faire sentir le poids de son influence et montrer que, tout absent qu’il fût et nonobstant son désistement, son nom ralliait une phalange compacte d’adhérens résolus. Seuls au courant de ses intentions, MM. Boutelle et Manley, délégués du Maine, préparaient les voies attendant le mot décisif. Il vint sous la forme d’une double dépêche datée d’Édimbourg le 25 juin, qui fut lue par eux à la convention au moment où, pour la sixième fois, on allait procéder au vote. La première confirmait son refus de se laisser porter ; la seconde était ainsi conçue : « J’invite instamment mes amis à respecter ma décision et à s’abstenir de voter pour moi. Prière de communiquer immédiatement ces dépêches à la convention. » L’évolution s’accomplit ; les partisans de Blaine votèrent en masse pour Harrison, entraînant avec eux la majorité, et le sixième scrutin donna le résultat suivant :


Harrison 544 voix
Sherman 118 —
Alger 100 —
Gresham 59 —

Conformément à l’usage, le gouverneur de l’Ohio, président de la délégation, dont le vote pour Sherman n’avait pas varié, proposa de déclarer Harrison candidat du parti républicain à l’unanimité, ce qui, conformément aussi aux traditions, fut acclamé par les partisans des candidats vaincus. M. Morton, le banquier cinquante fois millionnaire de New-York, ancien ministre des États-Unis en France, fut désigné pour la vice-présidence.

Rien ne retenait plus M. Blaine en Europe. Il se hâta de revenir prendre en main la direction de la campagne présidentielle. Une ovation l’attendait à son retour, et ce fut salué par les acclamations enthousiastes des républicains qu’il débarqua à New-York. Ils faisaient fond sur son habileté pour enrayer les progrès du parti démocratique, qui, mettant à profit le retard de ses adversaires à entrer en ligne, n’avait rien négligé pour se concilier les masses ouvrières, effrayées par la cherté croissante de la vie matérielle,