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mettaient à l’abri des commentaires fâcheux et des insinuations malveillantes que provoquait le concours avoué des rois de la finance.

Exactement renseigné par ses affidés sur les fluctuations de l’opinion, assuré qu’à la dernière heure ses avis prévaudraient et décideraient du choix de la convention, James G. Blaine tardait cependant à se prononcer. Un incident peu connu l’arrêtait. Il craignait, en portant M. Harrison à la présidence, de voir avorter ses combinaisons ; il redoutait qu’une rancune féminine ne lui barrât la route du pouvoir.

Cet incident remontait à plusieurs années ; cette rancune datait de 1881. M. Harrison venait alors d’être élu sénateur de l’Indiana en remplacement du juge Mac Donald ; Mrs Harrison faisait son entrée dans le monde officiel de Washington. À l’occasion d’une réception donnée à la Maison-Blanche par M. Garfield, président des États-Unis, Mrs Garfield avait prié Mrs Blaine, dont le mari était secrétaire d’état, de vouloir bien l’aider à faire les honneurs de ses salons. Elle avait cru, sur l’indication du président désireux de se concilier le nouvel élu, devoir étendre la même invitation à Mrs Harrison. À l’heure indiquée, Mrs Harrison se rendit à la Maison-Blanche. On l’introduisit dans un salon particulier où elle se trouva seule avec Mrs Blaine. Embarrassée de son rôle, ignorante des usages et de l’étiquette de Washington, elle pria Mrs Blaine de bien vouloir la mettre au courant, ajoutant, sur un geste de surprise de cette dernière : — Je suis Mrs Harrison ; mon mari vient d’être nommé sénateur de l’Indiana. Vous le connaissez, je crois, tout au moins de nom ?

— Pas que je sache, répliqua dédaigneusement Mrs Blaine, irritée de ce que Mrs Garfield lui adjoignait une femme dont le mari n’était pas membre du cabinet ; il passe ici tant de gens nouveaux qu’on ne saurait se les rappeler tous.

Mrs Harrison n’oublia pas cette impertinence, et, pendant son séjour à Washington elle évita tout rapport avec Mrs Blaine. Si trivial que fût l’incident, il n’en créait pas moins une difficulté éventuelle que des amis communs s’entremirent à écarter. Est-il vrai, comme on l’affirme, que des engagemens écrits furent alors pris par M. Harrison, vis-à-vis de M. Blaine, ou, ce qui est plus vraisemblable, étant donnés le caractère et la situation de ces deux hommes, que M. Blaine s’en fiât à sa haute situation et à la reconnaissance de M. Harrison, et qu’au lendemain de l’élection en convention ce dernier ait spontanément écrit à M. Blaine pour le remercier de son concours, l’engagera revenir diriger la campagne présidentielle et lui donner à entendre qu’il lui réserverait, en cas