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espèce de paradis, au point que l’empereur Chona-Kansi y signale non-seulement la vigne, mais aussi l’oranger et le grenadier, assertion qui a été reproduite par plusieurs de nos géographes modernes. Or, M. Potanine a complètement dissipé ce miracle, car c’en serait un, si l’oranger était cultivé au milieu du désert, dans une localité de 900 mètres d’altitude, presque sous 49° de latitude.

L’oasis de Khami constitue le terme oriental des groupes d’oasis échelonnés le long de la lisière septentrionale et méridionale du Thian-chan. De semblables oasis se trouvent également au pied du Pamir et s’étendent le long du Kouen-luen, de l’Altyn-dagh et des contreforts des remparts tibétains. Ces lambeaux dispersés représentent dans cette partie de l’Asie centrale les seuls points propres à la vie sédentaire.

Par sa position, l’oasis de Khami a une grande importance stratégique, et sous ce rapport, comme aussi sous le rapport commercial, sa possession serait précieuse pour la Russie. Elle constitue l’unique voie de communication entre la Chine occidentale et le Turkestan oriental ; toute autre voie est interceptée par le désert. C’est ainsi que l’oasis de Khami est, du côté de l’est, la clé du Turkestan. Si ce point est occupé par l’ennemi, l’armée chinoise stationnée à l’ouest perd immédiatement ses moyens de subsistance qu’elle tire de la Chine ; il ne lui resterait que la voie septentrionale, très longue et très difficile, par la ville d’Ulassataï, si toutefois l’ennemi n’a pas eu soin de s’en assurer.

Le désert d’Alaschan se confond avec la vaste surface qui se déploie jusqu’à la frontière russe et constitue la Mongolie proprement dite, appelée aussi Turkestan mongol. Cette surface va en s’exhaussant dans la direction du nord, en sorte qu’elle est plus élevée que le reste du Gobi ; de plus, les sables laissent percer sur plusieurs points la charpente solide de la contrée, probablement composée de gneiss et de syénite. La faible population de la Mongolie est désignée par le nom de Chalkas, — probablement les descendans des Mongols qui constituaient l’état fondé par Djinghiz-khan. C’est dans la région est de la Mongolie que s’élevait sa résidence et celle de ses successeurs, célèbre au moyen âge sous le nom de Karakoroum. Aujourd’hui, il serait difficile d’en préciser la position ; selon Abel Rémusat, Karakoroum se trouvait sur le cours supérieur de l’Orkhan, ce qui le placerait à peu près par 46° 50’ de latitude nord, à 225 kilomètres au sud-ouest de la ville d’Ourga, située non loin de la frontière russe.

En tout cas, c’est un fait très curieux de voir au milieu du désert surgir la résidence d’un des plus grands conquérans du