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fidèles serviteurs de l’état. A la bonne heure, le naturel se retrouve ici. C’est probablement l’idée la plus chère dans ce cours de haute pédagogie impériale professé à l’usage de la jeune Allemagne.

Ce n’est pas précisément d’affaires scolaires que l’Autriche est le plus occupée pour le moment. Le gouvernement de l’empereur François-Joseph croirait avoir déjà beaucoup fait s’il arrivait à maintenir une certaine paix entre les nationalités de l’empire, et c’est là pour lui malheureusement un rêve toujours poursuivi, toujours fuyant. Que devient le compromis, le fameux compromis imaginé par le comte Taaffe, négocié par lui avec les chefs du parti allemand et les chefs du parti des vieux Tchèques dans l’intérêt de la pacification de la Bohême ? Discuté depuis plus d’un an à Prague, passionnément combattu par les jeunes Tchèques, dont la popularité ne cesse de grandir, péniblement soutenu par les vieux Tchèques qui s’étaient prêtés à la transaction, le compromis n’a eu d’autre fortune que d’irriter les passions, d’aggraver les incompatibilités de race, pour finir assez tristement. Il vient d’essuyer un dernier échec dans la diète de Prague à l’occasion d’un amendement de M. Mattusch qui consacrerait l’usage des deux langues dans le conseil supérieur de l’agriculture, et qui a rallié, avec les jeunes Tchèques, une partie des vieux Tchèques eux-mêmes et de la classe des grands propriétaires. Le succès de cet amendement a achevé d’exaspérer les Allemands, déjà irrités de l’opposition que rencontrait un compromis favorable à leurs intérêts. Après cela, la diète de Prague a été encore une fois ajournée ; le compromis se trouve plus que jamais eu péril et les rapports sont toujours tendus entre Tchèques et Allemands en Bohême. C’est une sorte de rupture qui aurait même, à ce qu’il semble, une conséquence particulière. Une exposition se prépare à Prague pour la célébration d’un anniversaire national : les Allemands refusent aujourd’hui de participer à cette exposition que le gouvernement sera peut-être obligé d’ajourner ; ils menacent même de quitter la diète. La situation n’a rien de facile. Évidemment, l’échec du compromis est un échec pour le comte Taaffe, et il est d’autant plus sensible que le premier ministre de Vienne rencontre des difficultés de toutes parts, dans la Basse-Autriche comme en Bohême. Sans doute, le comte Taaffe vit depuis dix ans au milieu de tous ces antagonismes qu’il réussit à user par une politique mêlée de dextérité et de patience. C’est une diplomatie habile, heureuse jusqu’ici, qui pourrait cependant ne plus tarder à s’épuiser.

La vie publique, en Angleterre, se complique parfois d’incidens personnels d’une saveur toute britannique, qui prennent tout à coup une importance inattendue, devant lesquels tout s’efface pour un instant. L’ouverture du parlement et le discours de la reine ont passé sans bruit et sont déjà une vieille histoire de l’autre semaine. La crise financière et la catastrophe de la maison Baring sont elles-mêmes