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Voilà la première moitié du mystère : l’influence de la venue du Sauveur sur les petits. Le reste, comme l’annonce M. Bouchor en sa préface, est écrit dans un style beaucoup plus grave. Après les âmes de foi, les âmes de science et de raison ; après les bergers, les mages. Ils sont venus tous trois du fond de leurs empires. Mais l’étoile qui les guidait s’est éteinte ; ils la croient perdue et ils la pleurent, parce qu’ils l’aimaient. Tandis que le roi chaldéen et le roi indien désespèrent, seul le pauvre roi nègre, l’humble descendant de Cham, ne doute pas de la scintillante conductrice. Le premier de tous et le plus assuré, il a cru en elle. Elle a brillé pour lui sur une patrie plus barbare que celle de ses compagnons, sur cette pauvre terre noire, baignée de plus de larmes et de plus de sang, et qui criait d’une voix plus douloureuse vers le Sauveur plus ardemment désiré. C’est ici que se trouvent les plus beaux vers, au moins les plus lyriques, du poème : l’exode du mage africain est raconté en strophes pittoresques et de magnifique allure. Sa foi ne l’avait pas trompé, le sombre voyageur. L’étoile reparaît ; les bergers arrivent, se joignent aux mages, et tous ensemble, les superbes et les humbles, se dirigent vers l’étable où les attend Jésus.

Au quatrième |tableau, la crèche apparaît toute resplendissante de lumière. Pâtres et rois déposent aux pieds de l’enfant leurs offrandes. Les uns lui parlent dans toute la simplicité de leur cœur, les autres avec une éloquence de sages et de devins. Ils ont lu dans l’avenir, les mages d’Afrique, des Indes et de Chaldée, la souffrance expiatoire et le trépas rédempteur du Dieu fait homme, et c’est pourquoi, dit le prince chaldéen d’une voix grave :


C’est pourquoi, le cœur gros de larmes, je vous prie
De recevoir en don funéraire, ô Marie,
La myrrhe embaumeuse des morts.


A tous ces présens, à tous ces discours, la Vierge répond en chantant avec douceur, avec tristesse surtout, une adorable berceuse, dont chaque couplet fait écho à la parole des mages et des bergers. Au milieu du concert des anges, dans les fumées de l’encens, le petit oratorio s’achève, et, de ce théâtre en miniature, où n’ont joué que des poupées, nous sortons tous charmés et vaguement attendris ; les croyans, fortifiés, et les incrédules, rêveurs, sous les étoiles de décembre, le mois de la Nativité.

La plus gentille musique accompagne et complète le mystère de M. Bouchor ; elle est de M. Paul Vidal. Elle a fait plaisir à tout le monde et plus qu’à personne sans doute au poète lui-même, qui s’y connaît ; car il a parlé naguère très pertinemment et encore plus passionnément de la colossale messe en ré, de Beethoven. Il ne pouvait choisir de meilleur collaborateur que M. Vidal, un des jeunes des tout