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aussi douce qu’une nuit de mai. Sur un amandier en fleurs chante un rossignol :

Bergers, le monde est en servage,
Dit le gai rossignol sauvage ;
Tous les hommes sont malheureux,
Car le démon règne sur eux.
Mais un joli prince va naître ;
A présent vous aurez pour maître
Un beau petit enfant de lait,
Dit le joyeux rossignolet.


Après chaque strophe, trilles et roulades de flûte imitent la voix de l’oiseau. Le jeune Myrtil et la jolie Marjolaine écoutent. Ils s’aiment tous deux, et leur idylle est une des plus délicieuses parties du poème. A leur amour, le doux Jésus sera propice ; il touchera le. père de Myrtil, qui ne défendra plus à son fils d’épouser une pastourelle. Voici l’archange messager ; il annonce aux paysans la venue du Christ ; des voix célestes se font entendre, et aussitôt, comme tout à l’heure le cœur du mauvais maître, le cœur du méchant père se fond et l’ange dit :


Oui, pleure maintenant à chaudes larmes ; pleure !
Ils vont chanter ainsi jusqu’à l’aube ; ah ! c’est l’heure,
C’est l’heure de bénir l’ineffable bonté
Du Dieu qui nous créa, nous tous, tant que nous sommes.
Gloire à Dieu dans le ciel ; paix sur la terre aux hommes
De bonne volonté.


Non-seulement toute malice et toute haine s’attendrit dans les cœurs durs ; mais dans les âmes déjà aimantes elles-mêmes l’amour se purifie et s’élève. Il devient charité, et désormais toutes les créatures se chériront en Dieu. Écoutez ce que dit Myrtil à sa fiancée :


J’adore mon amie ; elle m’est bien plus douce
Qu’à l’oiseau nouveau-né son nid d’herbe et de mousse,
Au jeune agneau son lait ou l’herbe au moissonneur ;
Mais je rêve à l’enfant qu’un Dieu bon nous envoie,
Et le bonheur de tous me donne plus de joie
Que mon propre bonheur.


Et Marjolaine de lui répondre :


Va ! je suis bien heureuse ; et je perdrai la tête,
Lorsque les violons, jouant des airs de fête,
Viendront me réveiller à l’aube du grand jour ;
Mais je rêve à Jésus, qui près d’ici repose,
Et tout au fond de moi je ressens quelque chose
De plus doux que l’amour.