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vingt-cinq personnages rangés suivant l’ordre anciennement adopté : onze en haut, appuyés sur une balustrade et vus jusqu’aux genoux, les quatorze autres à la partie inférieure et à mi-corps. La monotonie de ces deux lignes parallèles, isolées l’une de l’autre, n’est rompue que par la figure du porte-drapeau, dont les vêtemens clairs et élégans et la physionomie malicieuse contrastent avec les costumes sombres et les airs graves de ses compagnons. Le Banquet des gardes civiques du capitaine Jacob Backer, probablement de 1632, ne dénote pas non plus une grande recherche de composition. Il y a cependant plus d’art dans la manière dont les figures sont cette fois disposées en une seule file ; la silhouette générale a du mouvement, la lumière est bien répartie, les couleurs sont harmonieuses, et les types nettement caractérisés. Il semble qu’Elias ait vu les œuvres de Hals et s’en soit inspiré ; s’il a moins de brio, il est plus correct et son exécution, plus vive et plus ferme que dans le tableau précédent, manifeste un progrès réel. Dans leur variété extrême, quelques-unes des têtes sont superbes, notamment celle du capitaine, coiffé d’un chapeau noir et plus encore celle du joyeux compagnon aux cheveux grisonnans placé au-dessus de lui. En 1645, Elias essaie d’un autre arrangement et groupe sur le quai d’un des canaux du quartier aristocratique d’Amsterdam la Compagnie des gardes civiques du capitaine Jacob Rogh. Armés, en tenue de parade, ils vont partir pour l’exercice. Mais si cet arrangement, emprunté à la réalité même, prêtait à un aspect pittoresque, l’exécution est, en revanche, assez faible. Les figures sont trapues, les expressions communes, et l’on sent çà et là je ne sais quelle lassitude ; bien qu’Elias fût encore dans la force de l’âge, c’est un des derniers ouvrages qu’il ait peints, et il devait mourir peu de temps après.

Nous n’aurons pas à nous étendre beaucoup sur deux autres tableaux de gardes civiques exécutés par Th. de Keyser, un contemporain d’Elias, encore plus en vue que lui et comme lui exclusivement portraitiste. Le seul ouvrage connu où il ait abordé une donnée d’un autre genre, le Thésée et Ariane, de 1657, qui décore un dessus de cheminée de la Desolate Kammer, au palais du Dam, nous offre avec des figures de femme allongées à l’excès et aussi dépourvues de vie que de style, une disposition d’une gaucherie singulière. Ce n’est pas non plus par l’ordonnance que brille la Réunion de la compagnie du capitaine Allart Cloeck, datée de 1632. Cependant, un dessin du cabinet de l’Albertine, fait en 1630 par de Keyser, nous montre le soin qu’il avait pris à cet égard, en cherchant à grouper ses personnages autour des degrés d’un escalier sur le palier duquel on voit déjà, au premier plan, le capitaine, son lieutenant et le porte-étendard. Mais, ainsi que le