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aurait un jour à recourir à l’assistance de ses modèles, son tableau des Régens de l’hospice de Sainte-Elisabeth en 1641 reste le chef-d’œuvre de correction, de noblesse et de savoir d’un artiste que ses concitoyens cherchèrent en vain à tirer du désordre et de la misère.

À ce moment où la peinture de portraits était particulièrement en honneur, l’expression saisissante de la vie qui distingue toutes les œuvres de Hals devait assurer son succès. C’était en même temps la protestation la plus éloquente et la plus efficace contre l’invasion des doctrines académiques et contre cette manie d’italianisme qui avait eu cours en Hollande. Aussi l’influence que le maître de Harlem exerça sur ses contemporains fut-elle considérable et vivace. On peut la constater non-seulement chez ses élèves, mais même chez des artistes dont la manière contraste habituellement avec la sienne. Nous en retrouvons quelque trace dans cette grande toile des Officiers des coulevriniers de Harlem quittant leur Boelen, pour laquelle, — bien qu’elle eût été déjà signalée par Houbraken, — les noms de van der Helst, de Soutman et même de Ravesteyn avaient été successivement proposés. Mais des analogies positives d’exécution avec un tableau récemment entré au musée de Rotterdam et signé du nom de Hendrick Pot ont permis de le restituer à ce dernier. L’ampleur de facture qu’on y remarque et qui contraste si vivement avec la finesse de touche de ses petits tableaux, comme notre portrait de Charles Ier au Louvre, Pot l’avait sans doute gagnée au contact de Hals. Plus d’une fois, nous le savons, il avait eu l’occasion de le voir à l’œuvre, car son propre portrait figure dans deux des toiles de Hals, dont nous venons de parler, comme lieutenant dans celle de 1633, et comme capitaine dans celle de 1639, à côté du portrait du maître lui-même.

Il n’était pas rare, en effet, que les peintres fussent affiliés à ces associations militaires, et peut-être leur présence dans ces corporations contribuait-elle aux commandes que celles-ci faisaient à leurs confrères. Dans le meilleur des tableaux exécutés par Joris Verschooten pour les Doelen de Leyde, nous constatons également la présence d’un portraitiste renommé de cette ville, David Bailly, et au soin particulier avec lequel la tête intelligente et fine de ce dernier y est traitée, on peut même penser que Verschooten avait tenu à le satisfaire. La dépense occasionnée par ces tableaux de Leyde avait, d’ailleurs, été minime et nous apprenons par des documens qui les concernent que la part de cotisation pour chacun des membres, dont le portrait y figurait, ne s’élevait qu’à 12 florins. Peut-être les artistes, trouvant ainsi une occasion de se produire et d’entrer en relations avec ceux de leurs concitoyens qui pouvaient leur faire d’autres commandes, consentaient-ils à des réductions sur leurs prix habituels. Habiles et expéditifs comme ils